Auteur esseulé d’obscurs mangas autobiographiques, Taku reçoit un jour la visite inattendue d’une jeune fan dont le comportement va rapidement se révéler étrange, en décalage avec ce qu’on peut socialement attendre de tout un chacun.
Peu à peu, il comprend que Megumi est atteinte de Troubles du Spectre Autistique. Maltraitée par son père, rejetée à l’école et profondément angoissée, elle a beaucoup de mal à communiquer et à traduire en mots ses émotions, ne comprend pas les métaphores, supporte difficilement la foule, le bruit, l’imprévu… Alors qu’elle s’installe chez lui, Taku, doué d’une empathie peu commune et d’une bonne volonté à toute épreuve, fait tout ce qu’il peut pour alléger sa souffrance et prévenir les crises qu’un rien, parfois, suffit à provoquer.
Il serait vain de reprocher à ce manga un caractère didactique dont il ne se cache nullement, au contraire, puisque tout y fait, chapitre après chapitre, pour faire prendre conscience au lecteur de la réalité des TSA et des difficultés qu’ils posent au quotidien pour les personnes qui en sont atteint(e)s. Il faut plutôt se réjouir qu’à rebours de bien des documentaires dont la bande dessinée nous abreuve jusqu’à plus soif, celle-ci, en dépit d’un dessin sans brio particulier, parvient tout de même à se rendre plus qu’attachante. C’est le miracle des mangas qui, décidément, parviennent à tirer de vraies histoires de n’importe quel sujet, avec une sincérité et une implication qui, trop souvent, font défaut à nos tacherons locaux, plus férus de graphisme que d’émotion. Au-delà du seul aspect documentaire, on aimera donc Megumi (mais de loin, pour ne pas la chambouler), on admirera Taku pour sa gentillesse et une abnégation dont on se jugera quant à soi bien incapable, et on tremblera pour ces deux-là, dont l’isolement dit également quelque chose d’un Japon fort prompt à rejeter ce qui s’écarte un tant soit peu de la norme et des convenances.
Yann Fastier