A New York, en pleine tempête de neige, un sniper dessoude un agent du FBI au volant de sa voiture, avec une balle contenant un noyau de métal ferreux d’origine météorique.

 

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L’enquête est confiée à Brett Kehoe qui, incapable de déterminer d’où cette attaque, d’une précision diabolique, a pu être lancée, se tourne vers un ancien du Bureau. Lucas Page, astrophysicien, prof en fac, est spécialiste en balistique. Mieux, il possède un don quasi surnaturel pour comprendre les scènes de crime. Les chiffres lui parlent. Il lui suffit de les écouter lui dévoiler les angles de tir. Il se laisse convaincre de reprendre du service, malgré les séquelles dont il souffre, stigmates d’une intervention dont il fut victime. Il vit désormais équipé de prothèses, un bras, une jambe, un œil. Page se rend vite compte que la première piste, celle qui arrangerait bien le gouvernement, celle d’un Français radicalisé, est une voie de garage. D’autres meurtres sont commis, même prouesse, mêmes types de cibles, des représentants de l’ordre. Secondé de Whitaker, policière noire, douée, efficace, s’accordant au caractère de chien de son nouvel acolyte, Lucas Page fonce.

Constitué de chapitres courts, menés à la vitesse des balles du tueur, City of Windows est un excellent thriller, impossible à lâcher. Il n’est pas que ça. Sous ses airs de simple page turner à la mécanique bien huilée, il dépasse ce cadre convenu pour livrer une véritable réflexion sur l’état de l’Amérique, en pointant les dérives, les malaises, les injustices. Et l’auteur ne fait pas dans la lourdeur pour asséner les coups. C’est Lucas Page qui s’en charge. Un rien misanthrope, constamment de mauvais poil, Page distribue les baffes sous formes de réparties sanglantes à tous les bas du front qui lui barrent la route. Les dialogues ainsi menés sont à son image, incisifs, hilarants. Ses diatribes contre ses étudiants, Fox News, les armes à feu tabassent. A l’inverse, lorsque son discours se fait plus introspectif, quand il évoque son passé, son accident, les gosses, abandonnés comme il l’a été et qu’il élève avec sa femme, l’émotion qu’il inspire peut être foudroyante.

Déshérités du rêve américain demeurés racistes par ignorance, abreuvés de fake news, manipulés par le lobby surpuissant des armes ; cercles chrétiens complotistes et survivalistes comme nouveaux dangers pour une démocratie horrifiée et niant avoir engendré de tels fléaux, Page, au cours de son investigation, se heurtent aux nuances qui font les Etats-Unis d’aujourd’hui. Pobi reste sur le fil, en équilibre. Du grand art.

Marianne Peyronnet