Révélé au public français en 1998 lors de l’exposition Art Outsider et Folk Art des collections de Chicago à la Halle Saint-Pierre,

 

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Henry Darger (1892-1973) est devenu en quelques années l’une des « stars » de l’art brut, dont l’œuvre fait depuis l’objet d’une spéculation effrénée de la part de marchands et de collectionneurs plus ou moins rapaces. A l’instar d’une Vivian Maier, dont le travail photographique ignoré de tous n’a été que récemment découvert, Henry Darger est à l’origine d’une œuvre gigantesque que seule l’intelligence de ses logeurs de l’époque a permis de sauver de la benne à laquelle elle semblait promise après sa mort. On connaît bien, désormais, ces grands dessins dont la violence quasi sadique contredit le style enfantin, d’autant plus troublants que les innombrables fillettes nues qu’ils mettent en scène sont systématiquement pourvues de sexes masculins. On sait moins, en revanche, que Darger écrivait au moins autant qu’il dessinait. Outre les milliers de pages de la saga inlassablement reprise des Vivian Girls (à laquelle ses dessins servaient en réalité d’illustrations), L’histoire de ma vie permet en partie d’éclairer la personnalité d’un homme dont la simplicité apparente (il fut toute sa vie homme de peine dans différents hôpitaux de Chicago, sa ville natale) ne l’empêchait pas de côtoyer des gouffres. Fasciné par les orages et les incendies, catholique compulsif, il s’avoue lui-même à plusieurs reprises vindicatif et violent, dans un mélange décousu d’autojustification et d’autoflagellation. Mais le grand paradoxe de ce petit livre, c’est qu’il n’évoque à aucun moment son travail artistique, si ce n’est au détour d’une jérémiade sur l’état de ses jambes. Ce fut pourtant l’affaire de sa vie, à laquelle il consacra l’essentiel de son temps libre et du peu d’argent dont il disposait. Ainsi curieusement incomplet, il ne se justifie pleinement qu’en complément des différentes monographies auxquelles son œuvre a déjà donné lieu, sans négliger la biographie de Xavier Mauméjean, annoncée pour novembre Aux Forges de Vulcain.

Yann Fastier