Un soir, au crépuscule, Philippe Forest est assis dans son jardin, avec un bon cigare et un bon whisky. Il prend le frais.

 

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La lumière du soir se délaye lentement dans l’obscurité, la journée se termine et il laisse doucement s’évacuer toute la tension accumulée, ne pensant à rien, ou à pas grand-chose, probablement. Et voici qu’il lui semble voir quelque chose se faufiler dans le jardin, à peine une ombre qui se fond dans l’ombre, on aurait dit un chat. Mais il n’est plus là, et seule l’impression subsiste. Cette apparition furtive se reproduit, soir après soir, dans la maison qu’il partage avec sa compagne, et le jeu d’essayer de deviner dans la pénombre un chat qui serait là et en même temps pas là, comme dans l’expérience de pensée d’Erwin Schrödinger, ce chat enfermé dans une boîte opaque, à la fois vivant et mort tant que le regard de l’observateur ne détermine pas son état définitif, créée pour mettre en évidence certaines lacunes de la physique quantique, devient un rituel. Philippe Forest ouvre donc la boîte et le chat s’affirme, s’apprivoise et devient un état particulier de la maison, un micro événement qui donne lieu à des considérations sur la vacuité et la fragilité de l’existence. Tout ceci n’est qu’un prétexte, l’excuse à une méditation baignée de philosophie japonaise et de réflexions sur le mystère et l’étrangeté de l’invisible et du relatif, sur le probable et l’improbable, mais avant tout une méditation sur l’absence, puisque l’œuvre de Philippe Forest tourne autour de la disparition de sa fille unique, à l’âge de 4 ans, et des manières d’être vivant au bord d’un tel vide. Mais point d’apitoiement ou de misérabilisme ici, plutôt de l’humour et de l’autodérision dans ce cheminement parfois très touchant où l’on apprend qu’« attraper un chat noir dans l’obscurité de la nuit est la chose la plus difficile qui soit, surtout s’il n’y a pas de chat ».

Lionel Bussiere