Qu’ont en commun Alex Jestaire, Antoine Chainas, Simon Johannin, Christophe Siébert, Luna Baruta ou encore Morgane Caussarieu ?
Ils font partie des 17 écrivains qui composent ce recueil de textes, rassemblés ici sous le terme de nouveaux déviants. Sont-ils eux-mêmes les nouveaux déviants désignés par ce titre ou est-ce que ce sont les personnages mis en scène dans leurs nouvelles qui sont regroupés sous ce terme ? Difficile à dire tant le malin plaisir que ces auteurs semblent prendre à faire tendre leurs créatures vers le malsain, le crade et la douleur ne peut émaner que d’esprits pour le moins tordus.
Un cadre moyen qui s’évade la nuit dans les souterrains de son entreprise et s’endort avec délectation dans les immondices, les excréments et autres fluides dégueus répandus dans les bas-fonds… Une gamine qui se réjouit de voir cramer un gosse… Une femme qui adopte un ténia… Une étudiante qui massacre son prof et se nourrit de sa chair… Un petit garçon transformé en jouet à la merci de sa jeune propriétaire sadique… Des cancers dans des boîtes… Des meurtres, de la coprophagie, de la perversion, de la merde, du sang, du sexe, de l’extase… chacun des récits explore une facette de l’horreur, plus ou moins gore, violente, toujours dérangeante, mouvante.
Et si les altérations, les anomalies représentées s’avèrent innombrables, qu’ont-elles de nouveau ? Rien, certainement. Elles s’adaptent à la modernité qui les fait naître. Parce que pour qu’il y ait des déviances, il faut qu’il ait des normes à distordre. C’est sous cet angle que les nouveaux déviants déploie toute sa cohérence. Chaque texte visite une déformation du monde réel, monde qu’on reconnaît et dont les frontières dérapent. C’est parce qu’elles sont contemporaines que ces déviances nous heurtent, nous secouent car elles sont mises (ou remises, les perversités n’ayant rien d’ « original » mais étant intrinsèques à la psyché humaine) dans un contexte qui nous est familier. Dès lors, en les reconnaissant possibles, probables, actuelles, le lecteur peut, à loisir, s’horrifier.
Envie de gerber, d’arrêter de s’infliger une telle punition, de stopper net les visions cauchemardesques nées de ces pages, et puis poursuivre la lecture, cette ouverture vers des univers malaisants et s’avouer cette délectation à se faire du mal, à s’émouvoir de ces peurs profondes, comme pour les conjurer. Et en rire beaucoup. De quoi stimuler nos propres esprits tordus.
Marianne Peyronnet