Dans le grand hall de l’aéroport de Chenai, Hochéa Meintzel violoniste virtuose, rescapé du ghetto de Lodz et des camps de la mort, se perd dans les sensations qui le submergent.

 

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Bruits, éclats de voix, odeurs et couleurs mélangées, sont les véhicules que choisit la fatigue pour ébranler le vieil homme triste. Le musicien a fui Jérusalem pour ne plus y revenir, prenant prétexte de l’invitation d’un festival de musique, en Inde du sud, pour quitter définitivement la ville.

Empli d’une grande lassitude, hanté par un attentat commis à la sortie d’un de ses concerts en Israël, blessé, dans ce pays où il s’était laissé aller à rêver d’une vie en paix, Hochéa essaie de réapprendre à oublier, il cherche ce chemin qui passe peut-être par les rêves, tandis que chaque son, chaque couleur, dans cet univers sensoriel exubérant et fantasque qu’est l’Inde, le rappelle à ses souvenirs.

Ainsi, lui qui porte en lui toutes les musiques du monde, peu à peu se laisse envahir et accueille l’inexorable beauté de la vie, malgré tout. Dès lors, accompagné par sa guide, la musicienne Mutuswami, qui lui voue une passion folle, l’admire et le protège, le musicien perdu, vieil homme épuisé, va se lancer dans une errance sans but, dans une épopée chatoyante qui le mènera de Pondichéry à Fort Cochin, où, menacé par un ouragan, il trouve refuge à l’intérieur de l’antique synagogue bleue, auprès de la minuscule communauté juive de la côte de Malabar. Au fil des rencontres, le vieux violoniste qui ne ressent plus le monde que par le prisme déformant de son oreille absolue nous entraîne dans un univers à la beauté exubérante et tragique, rempli d’odeurs, de sons, d’images et de mouvements, d’une richesse folle et d’une délicatesse sublime, où Hochéa dérive, chaque son lui évoquant une musique, un souvenir, un espoir, dans cette lente recherche d’une place où vivre.

Et c’est tout l’art d’Hubert Haddad - dans une écriture toute en finesse qui épouse l’abandon, la fatigue, le chahut et le chaos - que de nous emmener au fil d’un récit perturbé par les errements du personnage aux marges d’une histoire qui a bel et bien un début et une fin, et qui résonne étrangement en ces temps très chargés.

Lionel Bussière