Quand, au milieu des années 50, une équipe d’Hollywood débarque au fin fond du désert du Nevada, dans la petite ville de Cedar City c’est l’euphorie.
John Wayne et Susan Hayward, stars emblématiques s’il en est, viennent tourner Le conquérant, dernière superproduction signée Howard Hughes. Le sujet du film, sans parler du casting, a de quoi étonner. Il raconte un épisode de la vie de Gengis Khan, l’empereur mongol, incarné ici par le roi des cow-boys, yeux bridés pour l’occasion. Les gens du cru, paysans mormons et indiens, se moquent bien du script. Ils sont heureux d’être sous les feux des projecteurs en compagnie d’acteurs célèbres et de travailler pour le cinéma. Ils ont besoin d’argent et d’un peu de réconfort. Car depuis quelques mois, les calamités s’abattent sur le coin. Les animaux naissent difformes ou perdent leur pelage, meurent sans qu’on n’y comprenne rien. Les enfants sont frappés de maladies graves. Cancers, leucémies touchent toute la population. Les essais atomiques pratiqués tout près de là ne peuvent en être la cause, les Autorités sont formelles. Les gosses sont même poussés à jouer avec cette drôle de neige tombée du ciel, les habitants encouragés à aller au plus près voir ces fabuleux champignons, garants de la sécurité américaine face à la menace soviétique. Les radiations n’ont aucune conséquence sur la santé des populations, le gouvernement ne mettrait pas en danger ses citoyens. Aucun doute n’est permis. Jusqu’à ce que… le nombre de décès prématurés devienne si important que les questions commencent à se poser, et surtout jusqu’à ce que… plusieurs membres du tournage, dont John Wayne, développent des cancers.
C’est une incroyable histoire, oubliée des manuels, dont s’empare Vivianne Perret dans son bien nommé Atomic film. Elle-même historienne, elle aurait pu en faire un documentaire mais a préféré la fiction pour y gagner en force. Extrêmement précis et documenté, son récit, qui se déroule jusqu’aux nombreux procès qui ont jalonné la vie des différents protagonistes, propose des voix crédibles, des discours d’inconnus qui font plus froid dans le dos que des rapports administratifs. On mesure d’autant mieux l’effroi qui a frappé les populations quand elles ont découvert les mensonges et l’indifférence dont elles étaient victimes, sacrifiées, martyrs involontaires au nom du patriotisme d’alors. Le contexte politique est parfaitement rendu, où le monde des acteurs et des éleveurs semblait à l’opposé, et finit, fortuitement, par se rapprocher, se confondre dans une même souffrance, une même injustice.
Marianne Peyronnet
