Vous qui entrez ici, perdez toute espérance et, surtout, tout espoir d’y croiser des elfes.

 

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Pas plus d’ailleurs que des dragons, des enchanteurs ou des amazones en slip. À moins que les gnomes n’y soient journalistes, les maîtres-voleurs éditeurs ou les trolls verruqueux libraires. Car cette infernale épopée qu’Émilie Plateau a malicieusement choisi de conter sur le mode des fameux « livres dont vous êtes le héros » n’est autre que le parcours semé d’embûches de l’autrice de BD déjà chevronnée qu’elle est avec presque une dizaine de livres à son actif. On se gardera donc de lire « dans l’ordre » pour tracer son chemin selon les diverses bifurcations offertes par la dessinatrice, quitte à mettre un terme assez rapide à l’aventure en se défenestrant dès la page 15. Si toutefois vous faites les bons choix, vous aurez alors la joie, tour à tour ou en même temps, de passer des heures et des heures à ne pas dédicacer dans une librairie déserte ; de vous faire gentiment rouler dans la farine par votre éditeur préféré ; de subir les sautes d’humeur et la tyrannie d’un célèbre directeur de collection ; de résister aux questions sexistes d’un journaliste en mal de scoop… etc., etc. Car Émilie Plateau a choisi de montrer le revers de la médaille, l’arrière-cuisine du restaurant quatre étoiles du monde merveilleux de la BD. Un tout petit monde encore très masculin, mine de rien, où il n’est pas tout à fait évident d’être une autrice (et non pas une auteure, l’auteure insiste), surtout quand on cultive – avec un certain courage, il faut le dire – un style réputé « minimaliste » que d’aucuns qualifieraient volontiers de pattes de mouches. Un style à la maladresse assumée, en tout cas résolument a-spectaculaire, et qui prouve à l’envi que le dessin ne fait décidément pas tout dans la bande dessinée, où les plus virtuoses peinent parfois à produire une histoire qui tienne debout. Émilie Plateau, elle, n’a depuis longtemps plus besoin de petites roulettes : sa saga minuscule tient la route comme une grande et se lit avec d’autant plus de jubilation vengeresse qu’on a connu soi-même un certain nombre des situations qu’elle décrit. Encore a-t-elle tort de se plaindre, ça pourrait être pire : elle pourrait dessiner pour les enfants !

Yann Fastier