Comme c’est curieux : contrairement à l’humour, à l’érotisme, au western, au polar et à l’aventure sous toutes ses formes,

 

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la scatologie n’a jamais fait son trou dans la BD et, si nombre d’entre elles relèvent pourtant bel et bien de la merde la plus pure, rares sont celles qui mettent le pied dedans avec autant d’entrain que ce Docteur Toilette. Imaginerait-on dans Spirou, par exemple, de petits bonshommes enthousiastes chier d’énormes étrons qu’ils dévorent ensuite avec appétit ? Une ravissante Miss Caca s’en mettre plein la lampe avant d’embrasser son fiancé sur la bouche ? Un savant visionnaire inventer la première et prodigieuse machine à torcher les culs ? Une grand-mère acariâtre soigner sa constipation à la petite cuiller, au tournevis, à l’aspirateur ? C’est pourtant bien dans l’un de ses équivalents japonais des années 70, le Weekly Shônen Jump que, pour le plaisir horrifié des prépubères, le mangakaka Kazuyoshi Torii trempait chaque semaine sa plume dans la cuvette et en ramenait les meilleurs morceaux sous forme d’historiettes odorantes et décomplexées au point de faire passer Charlie Schlingo pour Jean d’Ormesson et la fée Kaca de Florence Cestac pour Bernadette Soubirous. Certes, le Japon n’a jamais trop pris de pincettes avec la crotte et le colombin s’y montre volontiers kakawaï : n’était-il pas de coutume pour les jeunes filles d’offrir à l’aimé de charmantes petites crottes soigneusement emballées quand on se contente encore chez nous d’apporter des bonbons ? Docteur Toilette, cependant, n’a pas de ces délicatesses et, même pour le standard nippon, atteint un degré d’hystérie inversement proportionnel à une cérébralité volontairement proche du zéro absolu. Pour le dire d’une façon mieux moulée, ça ne vole pas plus haut que les mouches mais en formation serrée. Servi tout fumant par une trouduction héroïque de Patrick Honnoré, Docteur Toilette est un de ces plats simples et roboratifs qui font du bien par où ils passent et dont on reprendra volontiers une tranche lorsqu’un tome deux daignera montrer sa tête noire au guichet.

Yann Fastier