Stanton Carlisle, au début du roman, est magicien des cartes dans un cirque itinérant,

 

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un de ces cirques typiques des années 20 aux Etats-Unis, avec ses numéros extraordinaires, ses expositions de monstres et ses attrape-gogos. Le public, constitué de paysans, incultes pour la plupart, vient se délecter du spectacle de nains et se faire délester de ses économies, trompé par son cortège de bonimenteurs et de diseuses de bonne aventure. Un soir, alors que la troupe stationne dans un bled du sud, les représentants de l’ordre l’accusent d’inciter à la débauche et décident de sévir en interdisant la parade. Stan se fait l’avocat de ses camarades et sauve la soirée. La découverte du pouvoir de persuasion qu’il a sur les autres décidera de son destin.

Réédité à l’occasion de la nouvelle adaptation ciné de Guillermo del Toro, Nightmare Alley, initialement paru en 1946, reste cauchemardesque et fascinant. Dans cet univers de freaks qui n’a rien à envier à Harry Crews, une des scènes d’ouverture plonge d’entrée dans l’ambiance. Sur l’estrade, un geek écorche vivants poulets et serpents. Le pauvre bougre, alcoolique, fait son numéro pour se payer sa gnole et les forains profitent de son addiction. Solidarité de surface, tous se tiennent les coudes mais s’égratignent un peu au passage. Rien n’est gratuit dans ce monde, tout se paye. La symbolique est forte ; elle va mener à l’ascension et à la chute du beau gosse Stan. Charmeur, manipulateur, rongé par l’ambition et le désir de faire fortune, sa quête le pousse à accomplir des actes vils. Meurtrier d’abord par accident, poussé par sa rage de réussite, il n’hésite devant rien. Arnaqueur, calculateur, il se sert des femmes pour mener à bien ses forfaits. Télépathe de pacotille, pasteur divinatoire, il triche sans empathie à l’égard de ses riches victimes. Jusqu’à faire parler les morts, jusqu’à sombrer lui-même dans une forme de folie. Gresham développe tous les aspects de sa personnalité, sans oublier de lui donner des circonstances atténuantes. Enfant mal aimé, maltraité, sa destinée semble être malgré tout de finir mal tant il n’éprouve aucune pitié. Parabole horrifique, Nightmare Alley a conservé toute sa force, par son atmosphère pesante remplie de brumes et de fantômes, tant il est vrai que les thèmes abordés – la crédulité, la difficulté à faire son deuil, la faiblesse des hommes face à l’argent et au pouvoir – demeurent d’actualité.

Marianne Peyronnet