Nous se présente comme un journal tenu par un ingénieur, nommé D-503,

 

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et chargé de construire un vaisseau spatial dont la mission sera d’apporter le bonheur dans les civilisations extraterrestres. Tout ceci se passe dans un état totalitaire du futur, qui prétend conduire son peuple vers la béatitude en régissant sa vie heure par heure sous le "bienheureux joug de la raison”. Bien sûr un grain de sable va venir gripper la radieuse machinerie du bien-être. C’est la rencontre d’une femme, I-330, sans cesse en porte-à-faux sur le fil de la rébellion, et qu’un poste important protège - jusqu’à quand ? - de la chute, qui va placer D-503 devant l’alternative impensable du libre arbitre et le mener au bord de la démence. Nous est autant une critique appuyée de la révolution d’Octobre qu’une merveilleuse histoire d’amour, où l’on voit un homme déshumanisé basculer peu à peu dans la folie sous l’emprise de sa passion pour une femme libre.

Écrit en 1920 et envoyé de suite à un prestigieux éditeur russe, immédiatement interdit de publication dans l’URSS nouvellement créée, Nous sera traduit en anglais en 1924, avant qu’une traduction tchèque paraisse à Prague en 1927. La publication d’extraits retraduits du tchèque en russe dans une revue pragoise d’émigration en 1929 servira de base à des poursuites contre Zamiatine, qui s’exilera à Paris en 1931 et y mourra six ans plus tard. Il faudra ensuite attendre 1988 pour que le livre soit accessible au lecteur russe, mais l’édition anglaise et la traduction française de 1929 en feront bientôt une œuvre culte et une inspiration assumée pour des auteurs comme Aldous Huxley ou George Orwell.

Pour nommer les personnages dénaturés de son roman, Zamiatine, ingénieur naval de formation, s’est servi des numéros des pièces de charpente métallique du brise-glace Alexandre Nevski, dont il avait assuré le suivi de chantier en Angleterre. Tout l’enjeu de cette nouvelle traduction d’Hélène Henry est de restituer l’écriture chaotique utilisée par l’auteur pour dénoncer le doute, l'angoisse et le désarroi de cette humanité perdue.

Lionel Bussière