Sarah Jane n’a pas vraiment cherché à atterrir à Farr, et sûrement pas demandé à devenir la flic du bled,

 

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elle qui vient du Midwest, issue d’une famille où l’on se fait justice soi-même. Elle a abouti là au hasard de sa route, de sa fuite et reste parce qu’on semble, ici, avoir besoin d’elle. Cal, le sheriff, se prend s’emblée d’affection pour elle et ne cherche pas à connaître ses secrets. Si Sarah veut parler, il sera toujours temps d’écouter. Elle a des choses à dire, Sarah, elle a vécu plusieurs vies, plusieurs histoires d’amour, souffert plusieurs morts. Quand Cal disparaît, l’enquête qu’elle mène pour le retrouver pourrait prendre le pas sur le récit d’une existence somme toute banale, faite des observations qu’elle note dans ses carnets, des repas qu’elle se confectionne, des rencontres qu’elle fait. Ses journées défilent au gré des rixes dans les bars, des couples qui se déchirent, des accidents de voiture. C’est là où transparaît tout le talent de Sallis. La disparition de Cal, événement majeur dans un village tel Farr, n’est qu’une anecdote, un prétexte à poursuivre et non à dévier. Sarah ne change pas, ni de méthode, ni de comportement. Tout au plus apprend-on mieux à la cerner, à mesure de ses pensées. La voix est douce, et l’auteur excelle à la faire entendre. On ne saura jamais tout ce qu’elle a supporté, ce qui l’a construite et les parts de son être dont elle a dû se délester pour survivre. On n’en connaîtra que des bribes, comme on ne sait jamais ce qui a vraiment façonné les êtres que l’on croise. Parfois, des choses insignifiantes marquent des destins alors que des tragédies sont étrangement surmontées. Par ellipses, allers-retours, flashbacks et digressions, Sallis nous guide dans les méandres de la vie de son héroïne, nous perd, nous retrouve sans jamais nous lasser. Ce qui fait la valeur, la beauté, la grandeur de l’humain, ne sont pas toujours les gestes héroïques, les discours savants. La capacité à porter un regard bienveillant sur ses semblables, à embrasser leurs peines, peut suffire. C’est ce que fait Sallis dans ce roman bouleversant, d’une apparente simplicité. C’est ce que fait Sarah Jane.

Marianne Peyronnet