T. M. Moore, un détective impécunieux, est chargé de filer un homme dans le cadre d’une émission de télé-réalité.

 

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Quand celui-ci est assassiné, Moore, surpris sur les lieux, doit s’enfuir. S’engage alors une course contre la montre, qui voit la proie se faire chasseur à son tour pour rétablir la vérité.

Ce pourrait être le canevas d’un banal polar hard boiled de la grande époque et, de fait, c’en est un. À ceci près que Moore est noir dans une Amérique où, plus encore qu’aujourd’hui, rien ne va de soi pour les Afro-américains, en butte au racisme systémique des Blancs et devant sans cesse lutter pour des droits qui, en ces années 50, sont encore très loin d’être acquis. Rien que cela suffirait à faire de lui un personnage atypique, s’il n’était en outre à l’opposé du privé brutal et séducteur popularisé par Mickey Spillane ou Peter Cheney : bien que parfaitement apte à se défendre en cas de besoin, il ne porte pas d’arme et, même entouré de jeunes femmes avenantes, il reste fidèle à la pulpeuse Sybil qui, de son côté, le pousse à laisser tomber ce job douteux pour devenir facteur ! S’agissant de messages, il est vrai qu’il porte avec beaucoup de conscience professionnelle ceux de son très progressiste auteur, Ed Lacy, dont les polars firent jadis les beaux jours d’Un mystère, la fameuse collection à l’éléphant des Presses de la Cité, où s’illustrait, entre autres, un certain OSS 117. Juif, athée, communiste, marié à une Noire et fin connaisseur des relations entre communautés, Lacy fut lui-même atypique à tout point de vue parmi les continuateurs de Hammett et Chandler, comme en témoigne sa récente biographie par Roger Martin (Ed Lacy, un inconnu nommé Len Zinberg – À plus d’un titre, 2022), qui signe également cette nouvelle et scrupuleuse traduction. Un juste et tardif retour des choses pour un auteur du second rayon qui, sans doute, ne se serait cependant pas vu sans quelque ironie accéder ainsi au premier…

Yann Fastier