Pour les amateurs, Tetsuya Chiba est avant tout connu pour avoir été le dessinateur mythique d’Ashita no Joe,

 

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manga de boxe qui contribua certainement davantage à la politisation de toute une classe d’âge que les errements consécutifs de la United Red Army. Les aventures de ce jeune boxeur issu des classes populaires, rebelle sans cause devenant un champion redouté, devaient durablement marquer les esprits, au point d’éclipser quelque peu le reste de l’œuvre de Chiba. Elle fut pourtant conséquente et c’est à plus de 80 ans que, n’ayant plus rien à prouver, il revient aujourd’hui raconter sa vie, lui que rien, au contraire, ne prédestinait vraiment à devenir un roi du manga, et encore moins du manga sportif. Car il n’eut décidément jamais rien de sportif, ce vieux monsieur tout rond qui, il l’avoue lui-même, n’aime rien tant qu’être confiné dans une chambrette, tous volets clos pour mieux se concentrer sur ses histoires. Né dans une famille pauvre, c’est d’abord pour aider ses parents qu’il commence, encore adolescent, à dessiner des mangas pour les librairies de prêt qui pullulaient alors dans un Japon encore profondément marqué par la guerre. Comme beaucoup de mangakas de cette génération, il apprendra son métier sur le tas, deviendra l’assistant d’un dessinateur un peu plus chevronné et bouffera de la vache enragée jusqu’à la consécration, enfin, dans le domaine du shônen sportif. Disons le tout net, cette aimable promenade sentimentale n’a ni l’ampleur ni l’ambition du prodigieux Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi, modèle d’autobiographie dessinée. En faux paresseux revendiqué, Chiba livre ses souvenirs à la va-comme-je-te-pousse, de façon décousue, sous forme de courts épisodes souvent humoristiques, modestes et pleins d’autodérision, adoptant le ton de la conversation badine pour évoquer des situations parfois dramatiques, comme en connurent beaucoup de familles rapatriées du continent chinois à la fin de la guerre. Loin de l’image un peu compassée qu’on se fait en occident du vénérable sensei, Chiba reste un indécrottable enfant du peuple, voire un enfant tout court, lui qui n’aura finalement vécu pour de bon, non pas dans les marges comme l’illustre créateur du gegika, mais, plus sagement, dans les cases.

Yann Fastier