C’est JB qui raconte. JB Hanak, le plus jeune frère de dDamage,

 

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duo qui depuis leur premier album en 2000, balance son « électronique sale, faite de sons maltraités, de saturation et de chants colériques perdus dans un bordel sonore maîtrisé ». Après 10 ans de galère, sur le point de sortir leur quatrième disque, ils signent chez Spartan Music début 2010 et s’apprêtent à partir en tournée. Sur le papier, ça le fait. Mohand, au volant de son van Volkswagen, taille la route. Gino et Kurt, stars US de l’électro, partageront leur scène. Ainsi que Dèbe, un petit jeune qui dispense une immonde daube festive, avec eux pour se faire les dents, faut bien commencer. Ourko, le chien imaginaire des Hanak, complète la troupe. Go. Direction le chaos. Voyage en immersion totale dans l’univers déglingué de dDamage. Les éléments, contre eux, s’acharnent. Vent de face. Outre une organisation de départ plutôt confuse, les obligeant à se taper 700 km entre chaque date, la tournée prend des airs de punition, où ils vivent « tous les jours, 23 h de souffrance motivées par le shoot d’une heure sur scène. » Londres. Tout l’underground de la capitale anglaise s’est donné rendez-vous dans un supermarché désaffecté où, après un concert de ouf devant une foule déjantée et à poil, l’incendie qui ravage le bâtiment conduit les organisateurs en zonzon sans passer par la case ‘payer les groupes’. Berlin. Le public expérimente les glissades sur purée de bananes, écrasées par Dr Beeber en première partie, et déserte la fosse. Milan. La salle est squattée par une asso coco de défense des sans-papiers et s’en bat l’oeil, de la musique. Toutes les dates italiennes sont à l’avenant. Rencontre avec la mafia locale et tenancier de bar qui se tire au moment de passer à la caisse. Cassages de gueules, embrouilles, hôtels miteux sous un ciel hivernal glacial, et j’en passe. De quoi être dégoûté. Mais il en faut plus aux dDamage pour se décourager. D’autant que la bande s’y entend pour en rajouter. Dèbe a oublié ses fringues de rechange et schlingue comme un putois mouillé. Kurt, (ex) toxico est en bout de course. Et la paire de Maisons-Alfort a un don pour la débâcle. Fred, atteint d’une maladie orpheline, calme ses douleurs musculaires en fumant de la beuh toute la journée. Quant à JB, quand ce n’est pas son passeport qu’il perd, c’est son sang froid. Il serait dommage de dévoiler le dénouement d’un tel périple, mais sachez que le pire est à venir. JB assure en tant que témoin (et acteur) désopilant de leurs mésaventures. Le ton est drôle. L’accumulation de leurs déboires tourne à la farce, agrémentée de réflexions acerbes sur l’industrie musicale et les artistes : « les musiciens comme moi clament haut et fort ne jamais avoir vendu leur cul, alors qu’ils devraient avouer ne pas avoir trouvé acheteur ». JB aurait-il tendance à l’exagération ? On ne doute pas de la véracité des faits. On n’invente pas de tels souvenirs. Mais l’auteur nous le dit, en page de garde, Sales chiens est un roman. Un moyen de raconter en prenant de la distance. Une façon de revivre la démesure de leur parcours. Le besoin de mettre un terme, en beauté, à l’aventure dDamage qui s’est achevée avec la disparition de Fred en 2018, « la personne qu’il aime le plus au monde », la moitié de son groupe, une partie de lui-même. Rire pour ne pas sombrer, car rien n’est grave, tant que les grands frères sont là.

Marianne Peyronnet