De nos jours, ou presque, à Wineland, dans le New Jersey, Willa Knox pose ses valises dans la maison dont elle a hérité.

 

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Elle est journaliste indépendante au chômage et Iano, son mari, vient de trouver un poste précaire à l’université du coin. Les finances ne sont pas au beau fixe, le moral non plus. Le fils de Willa a réecemment perdu sa femme et s’avère incapable de s’occuper de son petit garçon. Son beau-père moribond et pénible, et enfin sa fille rebelle, de retour de Cuba, complètent la maisonnée. Maisonnée dont les fondations s’affaissent et qui menace de s’écrouler…

En 1870, Thatcher pose son cartable dans cette même demeure, déjà dans un piètre état. Elle appartient à la famille de Rose, son épouse et le couple la partage avec la mère et la jeune belle-sœur de cette dernière. Il a trouvé un emploi de professeur de sciences dans la très traditionnelle école du village. Les idées de Darwin commencent à se propager, mais il ne fait pas bon tenter de les partager quand votre directeur est créationniste. D’autant que le magnat de la ville n’entend pas, lui non plus, qu’on pervertisse les cerveaux des élèves avec de dangereuses inepties. Thatcher se cabre, se fait des ennemis jusque dans son foyer, d’autant que sa situation ne lui permet pas de combler les désirs des femmes qui le composent. Il ne trouve du réconfort qu’en compagnie de sa voisine Mary Treat, scientifique reconnue et amie des plus grands, dont Darwin.

Deux époques, donc, dans ce roman foisonnant qui décrit par le menu les péripéties, petits bonheurs et grandes détresses touchant les membres de deux familles. Ni tout à les mêmes, et pourtant si semblables, leurs vicissitudes trahissent la difficulté à appréhender un monde sur le point de basculer. Willa doit faire le deuil des idées qui ont guidé ses choix. A l’heure de l’élection prochaine de Trump, tandis que son couple se retrouve dans une inconcevable précarité, elle prend conscience que toute sa vie a été vouée à rechercher une stabilité qui paraît dérisoire quand la mort frappe et que la planète se meurt. Willa fait de son mieux. Pour soutenir ceux qu’elle aime. Pour évoluer avec son temps. Tout comme Thatcher œuvre à ne pas se renier en s’efforçant de supporter son entourage.

Les chapitres s’interposent, dépeignant une époque puis l’autre successivement, et l’on prend autant de plaisir à retrouver les personnages des deux périodes, tant l’auteur creuse les similarités de comportement en temps de tempête et finit par dresser le portrait d’une Amérique, et plus largement d’une humanité, finalement toujours en train de s’ effondrer et de se reconstruire.

Marianne Peyronnet