Freddie est une âme sensible. Fleur bleue qu’il est, le gars.

 

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Quand Marilou l’avait largué pour son meilleur pote Virgile, du temps de leur adolescence, il avait fui son chagrin en s’engageant dans l’armée. Il s’en est fait virer ça fait longtemps, et ensuite de la boîte de sécu où il a connu Didier, son acolyte, un brave gaillard avec pas une once de méchanceté en lui, du type no brain no headache. Depuis, c’est avec lui qu’il noie le souvenir de son amour perdu, à grands coups de ballon d’à peu près n’importe quoi pourvu que ça saoule, pour oublier et parce que c’est bon. Quand Virgile le contacte pour récupérer sa fille kidnappée par des malfaisants, ni une ni deux, les deux compères se jettent dans l’aventure, après s’en être jeté un petit dernier derrière la cravate.

Equipée sauvage version Supercinq. Benjamin Dierstein lâche les chevaux comme Freddie ceux de sa vieille bagnole et les voilà partis, après avoir récupéré la gamine et une autre petite gosse, en route vers le village de son enfance, du côté de Nantes. Prétexte, ainsi que sont si bien nommés tant de bistrots dans nos bleds ou nos banlieues, l’histoire sert de prétexte à l’auteur. A raconter une certaine France, celle des buvettes, des déclassés, des rescapés contents de vivre pourvu qu’il reste assez de vin pour tenir quelques heures. Les portraits croisés ont de la gouaille et de la gueule. Surgis au détour d’un rondpoint, entre Darty et Confo, au fond d’une taverne campagnarde ou d’un campement d’apaches, ils sont à la hauteur de nos deux héros. Téméraires. Capables d’ingurgiter avec panache n’importe quel breuvage sans savoir ce qu’il y a dans le cocktail. Chapeau. La tournée des bars les mène où ils veulent, au gré des rencontres, des indices chopés au hasard ou avoués à coups de pétoire. C’est drôle, surprenant comme peuvent l’être certaines épaves lyriques de bouts de comptoirs. Touchant comme ceux qui, les yeux mouillés, entreprennent de vous conter leurs déboires, à condition que leur récit ne dure pas trop longtemps, au risque de lasser, de finir pathétique. Il suffit pour cela de n’en écouter que l’essentiel et passer vite à autre chose, et c’est ce qu’a compris Dierstein qui mène sa troupe au galop, toujours vers le prochain bar, toujours en quête d’une patronne plus pittoresque, d’un pilier de rade plus rigolo, d’un nouveau lieu où picoler, parce qu’il faut bien noyer son chagrin, et parce que c’est bon.

Marianne Peyronnet