Elona est une jeune photographe spécialisée dans les portraits.

 

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Elle aime figer l’essence des êtres sur la pellicule, travaille sans fard et s’attendrit des traces que le passage du temps a gravé sur les visages. Sa grand-mère vient de mourir presque centenaire. Une photo d’elle en aurait dit beaucoup de choses, mais voilà, Elona ne l’a pas connue, elle la pensait morte depuis longtemps. Elle apprend son existence au moment où elle hérite de sa maison, dans un village. Cette découverte, l’amenant à en faire de nombreuses autres, lui permettra de connecter passé et présent, de se débarrasser du poids des non-dits.

La littérature aime les secrets de famille, thème rebattu le plus souvent à grands coups de clichés. Cyril Herry parvient à utiliser les ressorts propres au genre – rencontres avec des personnages clés faisant progresser l’enquête, fantômes dans les placards, difficultés d’ordre psychologique dues aux tragédies enfouies- en évitant de s’y engluer. Car si de clichés il est en effet question dans ce récit, il s’agit bien de photos faisant le lien entre les époques, traçant une filiation, et non pas de grosses ficelles.

Dans cette bâtisse sans âge et sans confort, qui abritait jadis un café dans le centre du bourg, les photographies des aïeux d’Elona, dont beaucoup furent prises par son arrière-grand-père, ornent les murs ou sont dissimulées dans des malles, à l’abri des regards et des souvenirs. Les secrets qu’elles cachent dépassent l’intime pour livrer leur vision plutôt noire de l’Histoire de France en temps de guerre, ou de la place qu’on accordait aux femmes et aux enfants. La vérité révélée est sordide et pourtant Herry réussit à livrer un roman au noir et blanc lumineux.

Par les personnages, autant liés par la généalogie que la promiscuité des lieux, souvent truculents, attachants, animés d’une vraie vie grâce à des dialogues parfaitement maitrisés.

Par le décor dans lequel ils évoluent, surtout. Le monde rural, vidé de ses habitants, où ne demeure souvent plus qu’un café comme lieu de partage et d’échanges, se meurt. Avant la fin, il est grand temps de le prendre en photo, ou comme Herry s’y est employé ici, d’en faire la peinture.

Marianne Peyronnet