Théâtreux tendance Aurillac, Mour et sa petite famille achèvent un long tour d’Europe et s’apprêtent à rentrer chez eux, en Bohême.

 

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C’est le début d’une série d’avanies qui les verra, entre mille autres, faire un détour par le Donbass en guerre, récupérer au passage un Depardieu mutique et nu et, passant de Charybde en Scylla, s’échouer sur les bords marécageux d’une rivière peuplée d’alcoolos, d’usuriers sympathiques, de gentilles prostituées et d’une bande de vieux fourneaux très occupés à remettre en état leur trophée : un char russe conquis de haute lutte en 1968 ! Difficile, en vérité, de résumer sans le trahir un roman aussi foisonnant et, même, aussi grouillant que celui-ci, qui se lit comme on soulève une grosse pierre, avec la même fascination nauséeuse pour la vie qui s’y découvre. On est loin de Prague et de ses prestiges ! Et pourtant, si bancroche soit-elle, l’humanité selon Topol semble douée d’une vitalité à toute épreuve, la dernière en date étant l’apparition subreptice d’un tas de « nouveaux Tchèques » à l’accent russe, lâchés sur le pays comme une punition mais aussi la dernière chance de se sentir vivre dans un monde aseptisé : « Les Russes sèment le feu et la ruine, c’est sûr. Mais en même temps ils nous délivrent de la vie dite normale et de toutes les merdes liées à la liberté, de l’incertitude et des antidépresseurs surtout. Les Russes coiffent le casque diabolique du cavalier de la nuit et te donnent l’occasion superbe de lutter pour la liberté, espèce d’enfoiré ! » Nostalgie d’une époque où tout n’était pas joué d’avance ? Né en 1962, figure de l’underground pré-perestroïka, Jáchym Topol agite ses marionnettes avec un cynisme joyeux qui rappelle aussi bien Kusturica ou Tarantino que San Antonio. Et s’il piétine un peu, parfois, au fil d’interminables dialogues, c’est avec toute la jubilation d’un sale gosse dans une flaque de boue.

Yann Fastier