1892,Danxomè. Afin de répondre à la menace que fait peser le roi du Danxomè sur ses comptoirs,

 

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la France envoie des troupes dans ce royaume indépendant qui deviendra la colonie du Dahomey puis le Bénin.

Alex est enrôlé de force dans l’aventure. Son paternel, médecin du corps expéditionnaire, est persuadé que son mollasson de fils, dont les attitudes et les traits féminins l’exaspèrent, s’en trouvera changé. Quoi de mieux que la guerre, en effet, avec ce qu’elle induit d’amitiés viriles, d’épreuves physiques et morales, de sang versé, pour faire enfin de cette lopette un homme ?

Agosi est enrôlée de force dans l’aventure. Son père tué, elle est raflée dans son village, comme tant d’autres, emmenée grossir les rangs de l’armée du roi du Danxomè. Formée au combat, elle devient une de ses agoojie, redoutables guerrières qui ne craignent pas la mort.

Deux récits au présent, un « je » et un « tu » qui se répondent, comme si les protagonistes entamaient un dialogue sans même se connaître, comme s’ils se racontaient, confiaient leurs angoisses et les péripéties qui les ont menées ici. Habile construction narrative permettant de sonder leur âme, afin que le lecteur sache leur état d’esprit au moment du climax de leur rencontre. Bouleversante approche soulignant par leurs pensées ce qui les rapproche quand tout devrait les opposer. Malgré eux engagés dans une guerre dont les enjeux stratégiques les dépassent, ils sont jeunes, innocents. Ils sont des victimes et n’ont rien à faire là, si petits, manipulés par les grands de ce monde se moquant bien des pertes occasionnées sur le terrain, des vies brisées.

Les dialogues efficaces, qui sonnent juste, font avancer le récit et comprendre le cadre historique en évitant les lourdeurs d’explications trop plaquées. La violence des scènes de combat est terrible, révoltante, l’immersion totale.

« Quelle connerie, la guerre », tel pourrait être le sous-titre de Danxomè, Connerie d’autant plus retentissante qu’il est question ici d’une guerre coloniale, oubliée, dont l’absurdité est omniprésente dans ce roman très documenté. Des personnages secondaires très forts, leur tragique disparition accentuent la solitude des deux héros, et notre sentiment de gâchis.

Pourtant. Malgré le contexte, malgré l’horreur des batailles, les corps mutilés, les tombés aux champs d’honneur quand tout honneur a disparu, malgré le racisme et la haine, l’auteur dresse à travers Alex et Agosi l’espoir d’un avenir meilleur. Ils évoluent, au gré des amitiés sincères qui se forgent dans l’adversité, à mesure de leur découverte de la sexualité et de l’amour. Ils évoluent. Ils ne changent pas, ne se renient pas. Et surtout pas Alex. Bouleversé durablement par ce qu’il a vécu, par sa compréhension nouvelle des valeurs détestables qui l’ont construit, il deviendra, contrairement à ce que son père espérait, non pas un « homme », mais un être doué d’humanité.

Marianne Peyronnet

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Images du Dahomey, de Daniela Moreau et Luis Nicolau Parès. - 5 continents, 2020

François-Edmond Fortier (1862-1928) est un nom bien connu des collectionneurs de cartes postales. On lui en doit plus de 3500, documentant tous les aspects ou presque d’une Afrique Occidentale où il vécut une bonne partie de sa vie, modeste photographe installé à Dakar. On ne sait comment il obtint de suivre le ministre Milliès-Lacroix dans la tournée d’inspection qui, de 1908 à 1909, devait le conduire tout le long de la côte, du Sénégal à la Côte d’Ivoire en passant par la Guinée avant de s’achever au Dahomey. Toujours est-il qu’il se trouve à ses côtés, en mai 1908, lorsque le ministre et sa suite débarquent en grande pompe à Cotonou, accueilli par les autorités coloniales et ce qu’il reste du pouvoir royal. Fortier sera de toutes les cérémonies, mitraillant avec une grande dextérité tout ce qu’il pourra du pays, alors en pleine restructuration suite à la guerre de 1892-1894 et à la destitution du roi Behanzin. De ce reportage, il tirera la série de cartes qui fait l’objet de ce livre, précieux document de première main que la chercheuse brésilienne Daniela Moreau, avec l’aide d’informateurs locaux, s’attache à décrypter avec beaucoup de précision et dans ses moindres détails, au-delà de légendes pour le moins vagues, quand elle ne sont pas carrément fausses ou mensongères. Elle fait ainsi la part d’un imaginaire colonial ignorant tout ou partie des réalités, notamment religieuses, d’un pays encore largement préservé de l’acculturation quelques années à peine après sa conquête.

YF