Dans cette production Alpha-Classics, deux musiciennes, Juliette Hurel à la flûte et Hélène Couvert au piano,
nous proposent de partir à la rencontre de cinq femmes compositrices à l’aube du XXème siècle.
Le récital débute par une sonate post romantique d’une poignante beauté composée par Mel Bonis dont la vie fut, à l’instar de sa musique, riche, complexe et d’un romantisme digne des meilleurs films de la BBC. Elle s’illustrera spécialement dans la musique de chambre comme le prouve l’écoute de cette sublime sonate. Lili Boulanger, elle, reste probablement la figure de proue des femmes compositrices de la Belle Epoque, entre destin tragique (elle décèdera de la tuberculose à 24 ans) et talent précoce. Son « Nocturne » à la beauté sombre où le piano prédomine fait contraste avec l’œuvre « D’un matin de printemps » dont la flûte de Juliette Hurel restitue toute la fraicheur….Quant à la très noble Clémence de Grandval, Camille Saint-Saëns aurait eu une phrase restée fameuse en parlant de ses mélodies : « Elles seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme. » Voilà qui résonne encore cruellement à nos oreilles en cette première partie de XXIème siècle si tendu, surtout lorsque l’on connaît la carrière prolifique de cette artiste entièrement dévouée à son art et qui sombrera dans l’oubli quasi-total. Le récital enchaîne avec la romantique « Sérénade aux étoiles » de la belle Cécile Chaminade qui laissera à la postérité pas moins de quatre cents œuvres ! L’Histoire, pourtant, n’a longtemps retenu que la phrase de Georges Bizet qui l’appellait « son petit Mozart ». Le disque se clôture sur « Trois petites pièces » d’Augusta Holmès, peut-être la plus connue des méconnues puisque c’est elle qui sera à l’origine du célèbre Noël « Trois anges sont venus ce soir » (1884) chanté, entre autre, bien plus tard par un certain Tino Rossi… Ne boudons donc pas notre bonheur d’écouter un disque qui rend hommage à de grandes dames, qui n’ont eu de cesse toute leur vie de lutter contre les préjugés. Injustement restées dans l’ombre, elles sortent enfin de l’oubli le temps d’un récital empreint de nostalgie, beauté et poésie…
Cécile Corsi