Une jeune femme livre ses démons par écrit et convoque ce faisant des artistes et leurs créations comme compagnons de route.

 

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Si les œuvres évoquées (photographiques, cinématographiques mais surtout musicales), faisant écho à différents moments de sa vie, sont fouillées, disséquées, autopsiées, l’auteure a fui l’analyse savante pour mieux mettre en lumière comment les émotions qu’elle ressent sont amplifiées à l’écoute de certains albums, transcendées par certaines photos. Ses troubles ne naissent pas des œuvres, celles-ci font écho à des sentiments préexistants.

Prendre des exemples pour expliciter la nécessité absolue de l’art dans l’existence est un exercice périlleux. Le risque est grand, en citant des artistes inconnus du lecteur, de perdre celui-ci. Et il faut bien dire que Margaret Chardiet, Bradford Cox, Phil Elverum ou Harold Budd ne sont pas les références les plus mainstream qui soient. Pourtant, Alice Butterlin parvient à retenir l’attention tout au long de son texte, très littéraire mais jamais abscons ou fastidieux. Parce que son écriture est légère, poétique, son propos passionnant. Parce que la réalité n’est jamais perdue de vue, que le prosaïsme des événements et des émois quotidiens (les passages dépressifs, les troubles alimentaires) demeurent le fil rouge. Parce que l’onirisme se frotte aussi au Club Mickey et aux Sims. Parce que certaines anecdotes, comme celle du Tee-Shirt de Gene Simmons (lisez, vous comprendrez) font rire. Alors, si l’étrange et les rêves sont conviés, ils parlent à tous même si des références échappent.

Les heures défuntes propose d’approcher l’âme de Nan Goldin, de faire comprendre (un peu mieux) Kierkegaard grâce à Elliott Smith. C’est un voyage intérieur qu’on accepte de suivre pour peu qu’on soit sensible, curieux de savoir où le chemin nous mène. Il souligne ce paradoxe ultime de l’art, ou Comment s’immerger dans une œuvre, s’isoler des autres permet de se sentir moins seul.

Belle couverture et mise en page soignée, Les heures défuntes est la première publication des éditions Le gospel, dont le fondateur Adrien Durand est connu pour son blog et sa revue papier. Souhaitons-leur longue vie.

Marianne Peyronnet