En écrivant une suite aux Nuits rouges, Sébastien Raizer crée la surprise, tant la fin de son livre précédent semblait définitive.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

En redonnant vie à certains personnages, il prouve qu’il n’en avait pas terminé avec ce coin de France, cette Lorraine dont il détaillait les causes du déclin et l’abandon de l’outil sidérurgique par les pouvoirs publics. Dans Mécanique mort, il profite du retour de Dimitri sur ses terres natales pour en explorer un aspect plus contemporain, soit la collusion entre finance et banditisme, alliés pour dépecer ce qu’il reste sur la carcasse d’une région sinistrée. Dimitri, et c’est habile, revient à Thionville après un exil de plusieurs années en Asie. Il joue le rôle du naïf qui permet au lecteur de comprendre ce qui se trame au fur et à mesure de ses découvertes. Il ne sait rien, au début, des ententes fragiles qui se sont tissées ni des dangers qu’il court à fourrer son nez dans certaines affaires, dont le blanchiment d’argent sale, venu principalement du trafic de drogues, par une certaine banque, délicieusement identifiable. L’alliance locale, instable, entre ces deux entités, prend des allures de parabole. Le capitalisme et le grand banditisme sont prêts à tout pour dégager le plus de profits possibles, sont irrémédiablement liés et semblent programmés pour périr en faisant le plus de dégâts possibles. Dimitri se trouve aux prises avec différentes mafias, ignore quelles ficelles tire Keller, le flic philosophe qu’on redécouvre avec bonheur, et tente d’empêcher que des Albanais n’inondent le marché de fentanyl, substance hautement addictive conduisant les consommateurs à une mort certaine. Des scènes d’une violence extrême se succèdent, ponctuées de respirations bienvenues avec la rencontre avec des personnages de second plan, dont la mère de Dimitri. Cette alternance rythme le récit et permet à l’auteur de creuser la personnalité de son héros, de lui donner plus d’épaisseur encore, tout en exposant toute l’étendue de son talent. Grand roman fiévreux et mélancolique sur une terre perdue, Mécanique mort expose une noirceur qui sourd depuis les brumes environnantes, une poésie désespérée portée par le style flamboyant d’un Sébastien Raizer au meilleur de sa forme.

Marianne Peyronnet