Comment dit-on « j’voudrais ben mais j’peux point » avec l’accent d’Oxford ?

 

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William, un étudiant, est tué dans un accident de voiture, alors qu’il venait voir Stephen, son professeur, en compagnie de sa fiancée, la belle Anna. Pourquoi voulaient-ils le voir ainsi, en pleine nuit ? Nous ne le saurons pas. En revanche, nous saurons tout le reste. Comment, Stephen, la quarantaine rangée, s’est entiché de sa nouvelle étudiante au point d’oser la disputer à William, tous deux bien loin de se douter qu’en réalité, elle est déjà depuis longtemps la maîtresse du brillant Charlie, ami et rival de Stephen. Compliqué ? Pas tant. Car, en vérité, à l’opposé du vaudeville, il s’agit moins de danser au bal des faux-culs que de s’y marcher sur les pieds. Personne n’en sortira grandi, ni Anna, la fausse ingénue, ni William, qui en mourra, ni Charlie, qui tombera de haut. Ni, surtout, Stephen, dont le grand Dirk Borgarde incarne la veulerie avec une maestria qui éclipse tous les autres. Respectable prof à pipe, père de deux enfants et mari d’une femme aimante, Stephen, comme beaucoup d’autres avant lui, se croit soudain de beaux restes. Travaillé par la concupiscence, il n’a cependant pas l’audace de Charlie, dont la réussite universitaire le renvoie sans cesse à sa médiocrité, ni l’argent de William, aristocrate et fils de famille dont la fréquentation, croit-il, lui donne un lustre dont il manque désespérément. Pris dans les sables mouvants de son désir impuissant, il s’agite et s’enfonce, et se révèle peu à peu pour ce qu’il est : un lâche, prèt à tout pourvu qu’il n’ait pas à l’assumer. Ainsi va-t-il se consoler entre les bras d’une ancienne conquête parce qu’un presque inconnu a semblé l’y autoriser. Ainsi force-t-il Anna, traumatisée par l’accident, alors même que sa femme est en train d’accoucher de leur troisième enfant… Le plus étonnant reste qu’on ne parvient pas à le condamner tout à fait. Après tout, nous ne sommes pas de bois, qu’aurions-nous fait à sa place ? Qui, voyant s’enfuir sa jeunesse, n’a jamais rêvé d’une ultime flambée ? En ce sens, ce film cruel – adapté par Harold Pinter d’un roman de Nicholas Mosley – est bien le récit d’un accident, d’un dérapage dans la vie de Stephen, qui n’en mourra pas. En sortira-t-il plus fort ? Pas sûr. Peut-être plus prudent mais, surtout, plus vieux.

Yann Fastier