Jamais village ne fut plus à l’ouest que celui de Kilbeg.

 

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D’abord parce qu’il se trouve aux marches les plus occidentales de l’Irlande ; ensuite par la grâce un peu folle de ses habitants. C’est d’abord la vieille Nan Hogan, imprécatrice hors pair et « pilier d’indépendance monoculaire » qui, revenant d’un séjour forcé à l’hôpital, trouve sa maison squattée par une « imposteuse caractérisée » dont elle aura le plus grand mal à (ne pas) se défaire. C’est ensuite Mlle Mary Hickey, la « reine de Kilbeg », dont la fierté distante n’aura d’égal qu’un solide mal du pays sitôt qu’elle aura quitté des collines qu’elle croyait à tort avoir trop vues. C’est enfin la malheureuse Winnie O’Carroll qui, « née sous le signe de Saturne », déclenchera sans le vouloir une bien vilaine affaire pour avoir « trouvé » une très opportune livre de thé.

Trois nouvelles, donc, pour un seul décor – entre Clochemerle, le Chelm du folklore yiddish et le village d’Astérix – peuplé, donc, de personnalités à la fois naïves et bien trempées, que l’on se plaît à retrouver d’une histoire à l’autre, à la façon du Winesburg, Ohio de Sherwood Anderson.

De Seumas O’Kelly, journaliste, romancier et nouvelliste irlandais mort en 1918, on ne connaissait jusqu’alors que La tombe du tisserand (Attila, 2009), généralement considéré comme son chef-d’œuvre. C’est la même inspiration, à la fois burlesque et tendrement moqueuse, qui préside à ce recueil dont on ne regrettera toutefois que la brièveté. Est-ce une traduction intégrale ? Certains indices laissent à penser que non. On en aurait bien lu davantage, tant ces gens de Kilbeg – loin de ceux de Dublin – quels que soient leurs ridicules, leurs disputes et leurs lubies, savent également faire preuve d’un si extraordinaire sens de la communauté qu’ils vous rendraient presque foi en l’humanité.

Yann Fastier