Depuis que les auteurs de bédé ont appris à lire, le cinéma n’est plus seul à puiser à pleines pognes dans le vaste vivier de la littérature pour y pêcher de beaux gros scénarios.

 

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Depuis quelques années, les adaptations se sont donc multipliées, tels de joyeux doryphores dans le grand champ de patates du petit Mickey. Jadis vouée aux gémonies par tous les écrivains sérieux, la BD fait prime, il est désormais de bon ton de livrer sa prose aux tripatouillages de l’art séquentiel, pour un résultat qui n’excède pas toujours la nullité première de l’ouvrage. La chose est toutefois à nuancer pour les classiques, qui ont au moins pour eux de ne pas pouvoir se défendre. Si, parfois, l’utilité de la chose ne saute guère aux yeux, il peut en surgir de-ci, de-là d’authentiques chefs-d’œuvres, comme par exemple Le paradis perdu de Pablo Auladell, d’après Milton. Qui lit encore Milton de nos jours ? Et qui, en France, peut se targuer d’avoir lu L’histoire de Hong Kiltong de Hŏ Kyun, roman coréen du XVIIe siècle, classique de chez Classique, l’un des premiers à avoir utilisé l’alphabet coréen nouvellement inventé ? Ne répondez pas tous à la fois et laissez plutôt Yoon-sun Park vous conter à sa manière l’histoire du tout jeune Hong Kiltong qui, doué de superpouvoirs que l’on croyait réservés au seul Stan Lee, se met en devoir de ridiculiser les puissants en redistribuant leurs biens mal acquis. Ce roman et quelques autres idées peu pertinentes coûtèrent, paraît-il, sa tête à l’auteur. Il n’en coûtera rien à la jeune bédéaste coréenne, dont tout le talent consiste à changer le respectable classique en bédé de gare canal Pépito avec une santé qui sent bon le shōchū et sans en dévoyer l’esprit le moins du monde !

D’ailleurs, pour ceux qui voudraient vérifier, l’original est disponible chez Gallimard, collection Connaissance de l’Orient. Et pour moins cher.

Yann Fastier