1936. En route pour l’Allemagne, en pleine forêt vosgienne, un train déraille.

 

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Seules trois personnes, qui ne se connaissent pas, survivent à l’accident. Au loin, à travers la brume, ils aperçoivent un village. Sur place règne la désolation. Les habitants ont été récemment massacrés par d’étranges créatures maléfiques. Deux monstres rôdent la nuit. De jour, il semble impossible de quitter ce lieu hanté, coupé du reste du monde.

En plaçant d’entrée ses trois héros dans un milieu pour le moins hostile, confrontés à des attaques dont ils ne comprennent ni l’origine ni le but, Salomon de Izarra happe l’attention du lecteur. Les trois protagonistes vont être obligés de s’unir pour leur survie, de se révéler les uns aux autres pour résoudre l’énigme. Ainsi va-t-on découvrir les parcours de ces personnalités si dissemblables et le pourquoi de leur rencontre dans ce coin maudit.

Izarra sait y faire pour mener son récit. L’environnement prend toute sa place, glaçant, sanglant, dans ses références revendiquées à la littérature de genre, de Lovecraft à Poe, des romans gothiques aux surgissements d’éléments fantastiques effrayants rappelant Maupassant. Chacun des membres du trio a une histoire à raconter. Suzanne Garcin, jeune femme vive se rêvant Jack London, a du mal à se faire une place dans cette civilisation patriarcale qui nie ses talents de journaliste. Armand Létoile, ancien soldat de la Première Guerre, échappé après dix-neuf ans d’incarcération pour insubordination, autrefois écrivain célébré, n’a plus d’idéal à défendre mais demeure un cœur pur. Paul Rudier, immonde salopard, ayant commis tant de crimes qu’on le dirait l’allié du diable, qui s’est « promis de faire le nécessaire pour que jamais les autres hommes ne soient heureux », s’est élevé dans la hiérarchie sociale par le mensonge, le chantage, les assassinats.

A tour de rôle, ils se dévoilent, livrant les pièces d’un puzzle permettant de faire avancer l’intrigue. Différentes voix, différentes formes - journal intime, correspondance, enregistrement phonographique, pensées – se succèdent, entrecoupent le fil de la narration et entretiennent un suspense grandissant. Les détails horrifiques font écho aux souvenirs de la boucherie de 14-18, aux charniers des tranchées, anticipent la période qui s’annonce et ses millions de morts, au point que l’apparition des monstres ne semble pas plus absurde que les conflits réels.

Izarra, auteur d’une thèse sur l’écriture de l’enfermement, maîtrise les mécanismes qui font naître la peur. Ici, tout concourt à l’effroi : l’isolement, l’inconnu, la folie, le chaos. L’écriture, d’un classicisme élégant, amplifie le propos. Après Nous sommes tous morts et Camisole, parus chez Rivages en 2014 et 2016, ses deux premiers romans présentant d’autres univers de huis clos tout aussi saisissants, Demain, le jour, confirme le talent d’un écrivain à suivre.

Marianne Peyronnet