Architecte en rupture de plans, Raphaël en profite pour se lancer dans l’écriture.
Il a d’ailleurs une théorie, là-dessus : un bon roman doit associer deux trucs qui n’ont rien à voir ensemble. Le sien associera donc Shoah et pétomanie. Les choses n’avançant pas comme elles devraient, Raphaël, désœuvré, s’en va fouiner dans le journal intime de son épouse et découvre qu’un dénommé Léon en aurait une bien plus grosse que lui. Quelque peu outré, il aimerait tout de même bien en savoir davantage…
Ainsi résumé, ce premier roman d’un plus si jeune urbaniste pourrait passer à première vue pour une bonne grosse gaudriole. Et, de fait, c’en est une, de gaudriole, authentique et assumée, tout en étant bien autre chose. Car l’auteur est manifestement d’abord un (gros) lecteur et son roman tout autant une réflexion érudite sur ce que doit être la littérature qu’une enquéquête pleine d’autodérision sur la taille idéale de notre engin. Ce que Raphaël cherche avant tout – même blessé dans son orgueil de mâle moyen – ce sont des explications : en quoi la littérature nous éclaire-t-elle sur le monde et la place que nous y occupons ? Quels rapports mystérieux entretient-elle avec la sexualité ? Et qu’est-ce que ce salaud de gros queutard peut bien avoir de plus que moi ?
Autant dire que l’on ne s’ennuie pas une seule seconde à la lecture de cette alerte et prometteuse autofriction, dont le délire s’emballe jusqu’à l’apothéose qui verra Raphaël, incarnant enfin son sinistre héros, péter son aise dans un uniforme de SS. Et soudain l’on s’avise avec un plaisir redoublé qu’on s’est bien fait rouler dans la farine : car sous couvert d’une histoire qui part allègrement en couille, l’auteur a bel et bien rempli son cahier des charges initial et fait cohabiter – si l’on ose dire – deux choses que, dans notre innocence, l’on croyait jusqu’ici parfaitement antinomiques : la grande littérature et les grosses teubs.
Yann Fastier