Un bel après-midi d’été, un rien de mistral, un mégot mal éteint… et c’est l’accident bête.
De mauvaise décision en mauvaise décision, un couple de promeneurs se retrouve talonné par l’incendie qu’il a lui-même provoqué.
Plein d’enthousiasme, l’éditeur attribue à ce roman – initialement paru chez Denoël en 1953 – l’ampleur d’une tragédie grecque. Sans remonter jusqu’à Sophocle, on concèdera qu’il respecte en tous points la règle des trois unités : extrêmement ramassée dans le temps et l’espace, l’action ne laisse d’autre échappatoire que de presser le pas et la lecture vers un dénouement que rien, jusqu’à la dernière page, ne laisse présager. On a littéralement le feu aux fesses, à l’instar de Suzanne et de Louis, dont la fuite éperdue, d’engueulades mesquines en bouffées sentimentales, ne cesse de zigzaguer entre aveuglement volontaire et brusques éclairs de lucidité. Le parti-pris est réaliste, un rien célinien même dans la peinture de la veulerie, et s’il est permis de trouver chez ces deux là de la bassesse, c’est avec toute la mauvaise conscience de qui ne se sait pas foncièrement meilleur, en évitant de trop se demander ce que l’on ferait à leur place.
Victor-Marie Lepage, de son vrai nom de probable ex-milicien et gestapiste – utilisa dans sa carrière subséquente un nombre considérable de pseudonymes, dont le plus connu reste celui d’Ange Bastiani, sous lequel il écrivit tout un tas d’histoires de truands corses pour la Série noire et la collection Un mystère aux Presses de la Cité. Il est généralement de bon ton de distinguer cette production « alimentaire » de ce qui, chez lui, relèverait de la Littérature et serait signé Maurice Raphaël. C’est pourtant bien un authentique roman noir que ce Feu et flammes. Noir de fumée, s’entend, et plus porté sur le roussi que sur la rousse, mais tout aussi vif et sans fioritures et haletant qu’un Fleuve noir de la grande époque, n’en déplaise aux thuriféraires un rien carbonisés de la hiérarchie des genres.
Yann Fastier