« Il n’y a qu’un seul degré possible en dessous du sens moral, c’est le sens immoral. Le Français l’a. »
Ces textes contenus dans ce petit recueil, Clara Clemens, la fille de Mark Twain, en a interdit la publication jusqu’en 1962 – c’est à dire pendant plus d’un demi-siècle – sous le prétexte que ces textes étaient blasphématoires et ne reflétaient pas du tout les convictions de son père. Sachant cela, on aborde donc les premières pages avec circonspection ou envie, selon l’état d’esprit, cherchant les mots dangereux qui firent condamner l’œuvre. Mais dans chacun de ces cinq textes, on ne trouve que l’ironie gracieuse et virulente de Twain, qui forme un tel écrin aux mots qu’elle les magnifie au point de déjouer toute tentative de méjuger des propos tenus. Et c’est cette même ironie qui leur donne toute leur portée et toute leur modernité. Le premier texte du livre, où un pseudo scientifique incarné par Twain à la manière des redoutables défenseurs de la terre plate, tente de démontrer que le monde a été fait pour l’homme, est un petit bijou d’humour et de malice auquel fait écho le dernier texte, en contrepoint, où l’on apprend tout ce qu’il faut savoir sur l’humain, et en particulier sur le français, qui ne semble pas fait du même métal. Grâce à une traduction savoureuse et pleine de verve, qui permet d’avaler la pilule, Twain, sous des dehors potaches, nous amène à réfléchir sur la place et le rôle de l’homme dans son environnement, il est temps.
Lionel Bussière