C’est une flûte ? C’est un violon ? Non !

 

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C’est un thérémine, cet ancêtre du synthétiseur qui, mine de rien, aura fourni la bande-son de quelques-unes de nos plus belles trouilles cinématographiques, accompagnant nos effrois enfantins de ses sinueuses stridences au point de servir de signature à la scène de suspens d’innombrables séries B. Non moins étrange que les sons qu’il génère est l’instrument lui-même puisqu’il doit s’agir d’un des rares dont on joue sans le toucher : deux antennes jaillies d’un boîtier émettent des ondes dont on perturbe le champ à l’aide de mouvements des mains, produisant une sonorité modulable en hauteur et en intensité, propre à jouer n’importe quelle mélodie pourvu qu’on ne soit pas manchot.

Quiconque s’est un jour intéressé à la préhistoire des musiques électroniques sait combien romanesque fut la vie de son inventeur, Léon Thérémine, né et mort Lev Sergueïevitch Termen (1896-1993), qui passa de la gloire à l’obscurité après avoir été successivement soldat de l’Armée rouge, inventeur adulé, agent secret, banqueroutier et, pour finir, pensionnaire de la tristement célèbre Kolyma soviétique. Rien n’y prédisposait cependant ce grand timide, qu’embarrassait plutôt la lumière, incapable de déclarer sa flamme à sa meilleure interprète, Clara Rockmore, qui devait devenir l’inlassable ambassadrice du thérémine à travers le monde. Est-ce pour cela qu’Emmanuel Villin semble avoir choisi la demi-teinte pour dérouler la vie de son terne héros ? Adepte comme tant d’autres de la biographie romancée, il romance finalement assez peu, avec une certaine distance parfois non dénuée d’ironie à laquelle on ne saurait rien reprocher sinon de cultiver un peu le mot rare pourvu qu’il commence par un h (« hiémal » ! « hispide »!) Mais, après tout, peut-être est-ce là son thérémine à lui, sa façon d’agacer les dents, à la manière de ces nombreux musiciens pop auxquels l’invention de Léon servit et sert encore de petit plus exotique.

Yann Fastier