L’Inspecteur Jules Bettinger menait une carrière respectable en Arizona.

 

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Consciencieux, apprécié, il avait gravi les échelons au gré d’affaires musclées. Mais voilà, il aura suffi d’un léger manque de psychologie de sa part, d’un businessman qui se suicide en sortant de son bureau, pour que sa hiérarchie décide de le punir et le mute. Pas de bol, à quelques années de la retraite. Encore moins de bol, il se retrouve, suivi de sa femme et de ses deux gosses, à Victory, Missouri. Difficile de faire plus glauque. Il fait un froid de chien : neige, grêle et vent glacial s’y sentent à leur aise. La pauvreté y est extrême, le taux de criminalité itou. Tout y est moche, défraîchi, hostile. Les flics ont des moyens dérisoires pour lutter contre un taux d’homicide les plus élevés du pays. Les banlieues de Victory, dont Shitopia la bien nommée, sont des zones de non droit peuplées de pauvres hères, accros au crack, qui vivent dans des cartons ou des égouts. 80% d’entre eux ont un casier judiciaire. Ici, même les pigeons préfèrent la mort et se laissent tomber du ciel, s’écrabouillant sur les trottoirs et les pare-brise sans qu’on sache pourquoi.

Planter le décor d’une ville aussi sordide à travers les yeux d’un étranger, voilà qui est malin. Le lecteur découvre l’environnement, les flics, les malfrats et leurs habitudes à mesure que grandit le dégoût de Bettinger pour sa nouvelle affectation. Lui, « tellement noir qu’on dirait le fond de l’espace, sans les étoiles » se fait traiter de négro à tout bout de champ, notamment par son coéquipier Williams, black lui aussi, plutôt « rétif » aux changements. Le duo va bien être obligé de s’entendre pour avancer dans une enquête de crimes ultra violents impliquant un certain Sébastian, caïd des lieux. Zalher se joue des codes du thriller. Il faut une certaine audace pour transgresser les règles d’une aventure somme toute classique au départ. Bettinger ne sait pas sur qui compter ; il ne connaît pas les règles, les liens qui unissent les mafieux aux représentants de la loi, et personne ne se hâte de l’éclairer ; il est obligé de progresser à grands coups de latte, risquant de mettre sa vie et celle de ses proches en péril. La tension ne retombe jamais et les dialogues, tout en sarcasme, conservent leur force tout du long. Si la fin, un poil too much, si le roman dans son ensemble, semblent moins aboutis que le génial Une assemblée de chacals, parodie de western parue en 2017 chez Gallmeister, Exécutions à Victory annonçait déjà un vrai talent dans l’art de peindre des personnages forts, attachants ou ignobles, et de mener le suspense sur 450 pages.

Marianne Peyronnet