Le Corbusier, Le Corbusier… Il n’y a pas que Le Corbusier dans la vie, il y a aussi Robert Mallet-Stevens !

 

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Né en 1886 et mort en 1945, ce dernier fut sans doute, avec Auguste Perret, ce qui se fit de mieux entre les deux guerres en matière d’architecte français. Résolument moderniste, ayant intégré les données les plus en pointe de l’architecture fonctionnaliste selon De Stijl sans pour autant mépriser l’esthétique Art-Déco, il opère une sorte de synthèse des deux courants, qui trouve notamment à s’exprimer dans les décors de L’inhumaine de Marcel L’Herbier (1924), compendium des arts décoratifs français de l’époque, une petite exposition universelle à soi tout seul. Mais pas que : on lui doit encore un certain nombre d’édifices, dont la Villa Cavrois, près de Lille, son chef d’œuvre. Construite entre 1929 et 1932, elle lui est commandée par l’industriel Paul Cavrois, saisi d’hybris patronal. Mallet-Stevens lui fera un château de 60 m de long, 1840 m² de surface habitable, 830 m² de terrasses, sans compter le miroir d’eau, la patinoire, la piscine et le pavillon du gardien. A elle seule, la salle de jeu des enfants peut contenir une bonne centaine d’ouvriers, sans même qu’il soit nécessaire de les empiler. Autant dire que les voisins sont jaloux. Ils le resteront jusqu’en 1986, date à laquelle claque la veuve et le mobilier part à l’encan. La villa sera mise en vente l’année suivante, rachetée par un margoulin qui prévoit de la raser pour lotir le terrain. En attendant, la maison reste ouverte à tous vents : squattée, pillée, dégradée et raclée jusqu’à l’os, ce n’est bientôt plus qu’une ruine, malgré son classement presque immédiat à l’inventaire des Monuments historiques. Il faut ensuite attendre 2001 pour que l’Etat se porte acquéreur et entreprenne une restauration digne de ce nom, via le Centre des Monuments nationaux, auquel elle appartient désormais. Sur la foi de la documentation et des archives existantes, la conformation des pièces, la décoration et le mobilier ont été remis dans leur état d’origine par une nuée d’artisans consciencieux jusqu’à plus soif. Ce beau gros livre en témoigne qui, faisant dans un premier temps la part belle aux photos d’époque, s’attache ensuite pas à pas à une réhabilitation un rien titanesque tant la dégradation semblait irréversible. On le consultera de préférence en préalable à une visite réelle où, pour une modique somme, l’on pourra, au choix, méditer sur l’impermanence des choses de ce monde, s’extasier sur la pureté des lignes et l’équilibre des masses ou s’imaginer soi-même, pour une heure ou deux, en châtelain des temps modernes.

Yann Fastier