Douze protagonistes.
Le temps d’un repas de Thanksgiving, Sean Farrell, poète d’origine irlandaise et professeur d’université, invite quelques amis et collègues ainsi que leurs conjoints. Au fil des conversations et des pensées on découvre leur vie. Le narrateur du récit, être omniscient et un peu étrange, cynique et un rien arrogant, se présente comme créateur de toute chose. On l’imagine être Dieu. Il connaît tout de ses pantins, et déroule au fil des pages leur existence, suivant le fil de ses pensées et les souvenirs que lui inspirent leurs discussions, jusqu’à leur fin, dont il sait les circonstances et le terme exact.
Tout au long des chapitres on découvre des personnages attachants, imparfaits, traversés par le doute et la colère, les failles et le deuil qui ont aussi façonné leur vie, et qui font parfois étrangement écho à leur fin programmée. Nancy Huston, française d’origine canadienne anglophone, tiraillée sans cesse entre deux cultures et deux langues, traversée par la solitude et le déracinement, semble exulter à endosser le costume du narrateur, féroce et souverain, désarçonné parfois par la tendresse. La vie, banale et touchante, déroutante et inespérée, coule dans l’écriture fluide et maîtrisée, semée d’écueils autour desquels la phrase ondoie comme une eau calme.
C‘est beau, triste et passionnant.
Lionel Bussiere