Les romans post-apocalyptiques se suivent et ne se ressemblent pas toujours complètement.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Les uns voient des survivants en haillons errer le long d’autoroutes hantées de zombies cannibales, d’autres jouent la carte de l’utopie solidaire et du nécessaire retour à la nature. D’autres, enfin, plus proches en cela de Jules Verne que de Cormac McCarthy, jugent préférable de ne pas mettre le nez dehors. C’est le cas dans Le poids de la neige, du jeune romancier québécois Christian Guay-Poliquin, où l’on retrouve le narrateur de Au fil des kilomètres (Phébus, 2015) en mauvaise posture, les jambes broyées sous son véhicule accidenté. Tandis que perdure la grande panne qui paralyse le pays et que la survie s’organise tant bien que mal dans le village voisin gagné par la division, il va devoir passer l’hiver en compagnie d’un vieil homme rétif, lui aussi bloqué là par une neige obstinée. Attentif aux détails pratiques d’un quotidien resserré plutôt qu’à la poésie des grands espaces à laquelle fait le plus souvent appel un certain survivalisme littéraire, Christian Guay-Poliquin évacue tout lyrisme et bâtit son huis-clos tout en phrases courtes, nerveuses comme on peut l’être après plusieurs mois de tête à tête forcé. De même se passe-t-il de toute couleur locale : ni « tabernacle » ni  « ciboire de criss » ne permettent de situer trop précisément un récit qui vise de toute évidence à l’universel. La catastrophe elle-même passe au second plan : le courant est-il rétabli ailleurs dans le pays ? Pourquoi ceux qui s’en vont chercher du secours ne reviennent-ils pas ? On n’en saura rien, du moins pas avant une suite éventuelle, que l’on découvrira avec un plaisir d’autant plus grand que l’auteur voudra bien cesser de saupoudrer son texte de fines allusions littéraires (Garcia-Marquez, Calvino…) qui ajoutent bien plus à notre agacement qu’à sa gloire.

Yann Fastier