Le tatou est un petit animal fouisseur qui tient beaucoup à son terrier.

 

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A tel point que la seule façon de l’en extirper serait de l’attraper par la queue comme si c’était une poignée et de lui mettre le pouce dans le cul. « Alors l’animal s’amollit, il rentre ses griffes et comme ça tu le sors facilement ». C’est du moins ce que prétend l’Ingénieur, tatou lui-même entre les Tatous, et l’un des principaux protagonistes de ce provocant premier roman, qui valut à son auteur une notoriété immédiate dans l’Argentine post-dictatoriale de 1983. L’un des premiers à prendre pour cadre la désastreuse et toute récente guerre des Malouines, il voit une poignée de jeunes appelés tenter de survivre dans les galeries clandestines qu’ils ont eux-mêmes creusées pour y attendre en sécurité l’inéluctable défaite des forces armées argentines face à la couronne britannique. Quique, Le Turc, l’Ingénieur et Viterbo sont les Rois Mages, organisateurs et chefs incontestés de cette petite communauté de Tatous autoproclamés, où chacun a sa place à tenir et son rôle à jouer, plus ou moins important selon son rang. Indifférents à la guerre perdue d’avance qu’on veut leur imposer, vivant de rapines et de troc avec les Anglais, les Tatous ne sont ni traîtres ni patriotes, seulement réalistes et bien décidés à sauver une peau dont leurs officiers font ordinairement bon marché. Le Terrier, peu à peu, devient un mythe sur cette terre ingrate dont la plupart des Argentins n’ont que faire. Un mythe qui vient s’ajouter aux multiples rumeurs, légendes et bobards dont l’isolement, la peur et les privations font le lit jusqu’au bout : « beaucoup devenaient fous » répète à plusieurs reprises Quique le narrateur face à celui qui l’interroge, écrivain ou psychologue dont on ne saura rien sinon qu’il prépare un livre sur cette histoire. L’est-il devenu lui-même ou bien dit-il vrai ? Qu’importe la réalité aux enfants qui jouent.

Yann Fastier