La crise de la quarantaine comme les ruptures amoureuses ont ça de bien qu’elles obligent à faire des choix.

 

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Le journaliste Olivier Courtois a choisi la liberté : celle de tout laisser tomber sauf son sac à dos et de partir faire le tour de France en stop dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre, sans argent ni points de chute. De Lyon à l’Isère en passant par à peu près partout mais toujours par les routes secondaires, il lève le pouce et multiplie les rencontres. Car ils sont nombreux, mine de rien, à s’arrêter pour faire un bout de conduite à ce barbu sans attaches : jeune toxico en conditionnelle, allumés raëliens, clown d’entreprise, possibles truands en cavale et même (séparément) Dave et Rachida Dati…  Nombre de gens ordinaires, également, si tant est qu’il en existe, au fond, tant chacun porte en lui une histoire qui n’appartient qu’à lui. A lui et, pour une heure ou deux, à cet éphémère commensal à qui l’on n’hésite guère à se confier, sachant qu’on ne le reverra probablement jamais. Rien ne ressemble davantage à un confessionnal que l’habitacle d’une voiture, rien de plus semblable au divan du psychanalyste que le siège avant d’une Renault. Avec l’aide du dessinateur Phicil (London calling, sur un scénario de Sylvain Runberg), Olivier Courtois égrène avec humilité et beaucoup d’empathie le chapelet de ces confidences au fil du bitume. Lanterne rouge assumée de son propre Tour, il sait parfois prolonger l’étape, le temps d’une bière partagée avant de se quitter pour toujours, le temps que finisse une averse ou bien jusqu’à la prochaine rencontre. Ceux pour qui mettre le nez dehors pour aller chercher le pain reste un summum de trek urbain ressentiront à la lecture de cette bande dessinée le doux frisson de l’aventure en chambre. Aux autres, elle rappellera peut-être quelques souvenirs, du temps d’avant Uber et Blabla, du temps où il n’était pas nécessaire de montrer patte blanche pour se faire transporter par des inconnus. Quoi qu’il en soit, elle rassurera surtout les uns et les autres sur l’état d’un pays que l’on présente le plus souvent comme perclus de trouille et d’égoïsme et que l’on découvre, à la faveur de ces micro-récits, ni plus ni moins pétri d’humanité qu’un autre et même, il faut l’avouer, plutôt bonne pâte.

Yann Fastier