Patrice est paparazzo. C’est l’un des meilleurs fouilleurs de poubelle de la place de Paris.
Et là, il a eu le tuyau du siècle. Il va la coincer, cette petite starlette qui monte, cette nymphette que tous les réalisateurs en vue s’arrachent depuis son César du Meilleur Espoir Féminin. Elle va regretter de lui avoir collé un procès, et de l’avoir gagné sous prétexte que ça ne se fait pas de filmer sous les jupes des filles, surtout si elles ont omis de mettre une culotte. Planqué en face de son appartement grand standing, il est prêt à shooter le scoop, les retrouvailles de l’actrice avec son nouvel amant. Mais voilà, quand Monsieur débarque, tout ça prend une sale tournure : quatre morts, ça fait beaucoup et c’est pas très glamour. Les photos sont réussies mais pas sûr qu’elles soient faciles à revendre : le plus haut représentant de l’Etat n’y apparaît pas sous son meilleur profil…
La collusion des politiques et de la presse, qu’elle soit sérieuse ou à scandale, en voilà un bon sujet de roman. Quand c’est Chalumeau qui s’emploie, avec délectation, à passer à la moulinette les relations ambiguës entre journalistes et élus, à démonter les mécanismes qui poussent les deux univers à cohabiter, ça donne un roman jubilatoire, drôle à pleurer, parce qu’il n’y a pas de raison de ne pas en rire, hein, après tout. Pas sa faute s’il n’a pas à forcer le trait pour qu’on se remémore d’emblée certaines images, moult Unes de magazines pipeul dont on nous abreuve savamment, orchestrant une société du spectacle qui ne nous semble même plus étrange. Les personnages y sont moins des caricatures que dans la vraie vie, et on se marre à l’évocation de ces sempiternels « experts » libidineux qui côtoient ces « rédactrices » jeunes et ambitieuses, bien roulées évidemment, de ces artistes has been qui refont parler d’eux aux enterrements d’un plus vieux, d’une plus laide, montant l’escalier de l’Eglise comme les marches de Cannes, de ces porte-paroles ministériels qui savent « communiquer ». L’intrigue est menée tambour battant, le style est vif, inventif, ça canarde, ça défouraille, ça nous venge joyeusement, parce qu’enfin, ici, le ridicule tue.
Marianne Peyronnet