« Z’à la vie ! Z’à la mort ! Zigomar ! »

 

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Paris, 1909 : cet étrange sésame se répand comme une traînée de poudre dans les rues de la capitale, sur les traces de l’un des plus sanglants criminels jamais sorti d’une cervelle de feuilletoniste. A la tête d’une bande organisée aux ramifications innombrables, Zigomar ose tout, Zigomar est partout et donne bien du fil à retordre au fameux Paulin Broquet, l’as des as de la police parisienne ! Fric-frac spectaculaires, rebondissements incessants, poursuites haletantes, machinations démoniaques, déguisements en cascade et moustiques tueurs, rien ne manque au catalogue, pas même la jeune orpheline méritante et la mystérieuse femme rousse… Quelques mois à peine avant le Fantômas de Souvestre et Allain, Léon Sazie lançait ainsi son propre génie du mal dans les pages du Matin, avec un succès que l’on peine à imaginer aujourd’hui : rééditions sous forme de fascicules, adaptations au cinéma, couvercles de boîtes, bonshommes de pain d’épices, le Z laissait un peu partout son empreinte sanguinolente, au moins pour quelques mois, quelques années, avant de s’en retourner sagement occuper la queue de l’alphabet dans un recoin désuet du lexique, en compagnie du fameux zigoto et de quelques drôles de zigues. Jamais réédité, Zigomar ne faisait désormais plus frissonner personne et sombrait définitivement dans l’oubli, ce même oubli qui fut le lot de tant d’autres personnages de papier. Qui se souvient du Nyctalope et du Sâr Dubnotal, de Naz-en-l’air et de Gil Dax, empereur des airs ? Quelques grigous nostalgiques, amateurs d’encre pâlie, et encore… Faut-il s’en plaindre ? Peut-être pas, tant il est dans la nature même de cette littérature à deux sous d’être éphémère comme le mauvais papier qui la porte. Bourré de clichés, stéréotypé, écrit à la va-vite par des auteurs interchangeables, le roman populaire a mauvaise presse dans les histoires de la littérature, du moins quand il n’est pas signé Dumas, Féval ou Zévaco. Il ne s’en dégage pas moins une véritable poésie, à laquelle il est difficile de renoncer une fois qu’on y a goûté, tel le tigre mangeur d’hommes. Ces titres ronflants, ces couvertures violemment bigarrées annonçant des rebondissements sensationnels ont la saveur inégalée de la pomme d’amour et de la barbe-à-papa : s’ils ne tiennent pas toujours leurs promesses, ils ont un goût de revenez-y.

On y reviendra donc, et l’on s’inclinera bien bas devant Les Moutons électriques pour cette indispensable réédition, tout comme on leur sera reconnaissant d’y avoir fait figurer quelques-unes des réjouissantes couvertures originales de Georges Vallée, tant il est vrai qu’en matière de « rom’pop », l’emballage est indissociable du contenu.

Yann Fastier