Raphaël Haroche, dit Raphaël pour les cohortes de fans qui le connaissaient jusque-là comme auteur-compositeur-interprète d’albums vendus à des milliers d’exemplaires,
fait une entrée fracassante en littérature et signe, dans la Blanche de Gallimard, un recueil de treize nouvelles, raflant au passage le Goncourt de la nouvelle 2017.
Dans ses nouvelles, point de bobos parisiens, mais des êtres ordinaires, un peu déglingués, à qui la vie n’a souvent pas fait de cadeaux. Car le Retourner à la mer du titre, ambigu à dessein, ne concerne pas quelque nanti avide de passer un temps de villégiature dans sa résidence balnéaire, mais bien des personnages à la dérive, sur le point de couler. Pas question d’appel du large sur de majestueux voiliers, ni même de prendre le large pour fuir, mais bien de la mer comme un retour aux sources, à ce vide d’avant l’existence, le Grand néant. Et plus que la mer, c’est l’eau qui semble le fil conducteur des moments de vie narrés ici ; l’eau froide, sombre, inhospitalière, celle où l’on se noie. Dans ces récits où la chute n’est pas l’important, mais le fil des pensées, l’instant, le prosaïque, l’auteur ne dépeint pas des pirates flamboyants en quête d’aventure, mais des pères minables responsables d’accidents de voiture, des couples qui n’ont plus rien à se dire, des résidents de maison de retraite, des sans-dents, des strip-teaseuses vieillissantes, des vieux garçons, des sans-grade… Des vies humbles racontées de l’intérieur, au travers d’anecdotes et de réflexions toutes simples qui témoignent d’un joli sens de l’observation, dénotent un regard bienveillant posé sur les faiblesses de ses semblables. Les incongruités du quotidien, les superstitions intimes prennent le pas sur les actions remarquables ; contées dans une langue simple et délicate, elles racontent plus l’homme que ne le font les coups d’éclat. Qui ne déteste pas les pâtes de fruit ou les noms des voitures, qui n’a pas compté sur ses doigts les jours avant un événement important ne sera sûrement pas touché par les petites vies et les grandes peines des héros de Raphaël Haroche, les autres ne pourront qu’être émus.
Raphaël Haroche, en plus d’être compositeur de musique de films, scénariste, acteur, et maintenant écrivain, sortira son huitième album Anticyclone, en septembre, et s’attèle à la réalisation d’un long métrage. Manquerait plus qu’il soit beau gosse…
Marianne Peyronnet