D’abord, il y a l’aîné, Fabien, le grand frère, le complice des jeux d’enfants, des braquages qui finissent mal aussi ;
Fabien, pour lequel Franck, le cadet, a purgé plusieurs années de taule pour avoir refusé de le balancer. On ne donne pas celui qui vous a protégé des fureurs alcooliques paternelles. Entre les deux fils, c’était à la vie à la mort. Alors, où est-il Fabien ? Pourquoi ne l’attend-il pas à sa sortie de prison, avec le fric ?
Ensuite, il y a les deux vieux chez lesquels Franck est supposé attendre des nouvelles de l’absent, parti régler des affaires en Espagne, lui dit-on. La vieille est une teigne de la pire espèce, méchante et laide. Son mari ne vaut pas mieux. L’accueil est glacial malgré l’atmosphère étouffante du Sud-ouest estival.
Et puis, il y a Jessica, la compagne de Fabien, qu’est belle comme un soleil, chaude comme la braise, aussi mouvante que les flammes. Changeante, lunatique, toxique. Un jour, elle donne, de la tendresse, du plaisir. Le lendemain, des coups.
Dans cette ferme isolée écrasée sous une chaleur de plomb, Franck sent bien qu’il devrait se faire la malle, qu’il devrait s’éloigner du huis clos familial, de ses petits trafics louches, de ce chien qui grogne sur son passage.
Est-ce pour Jessica qu’il reste ? Est-il en manque d’amour au point de tout subir ? Est-ce pour ce frère, ce double idéalisé, qu’il s’inquiète de laisser en arrière, qui l’empêche d’avancer ? Ou alors pour la petite Rachel, la fille de Jessica, frêle et silencieuse, qu’il aimerait pouvoir emmener loin d’ici, loin des mauvais traitements d’une mère à la limite de la folie ?
La fournaise semble liquéfier les corps, figer toute velléité d’action. Le temps s’égrène pesamment. Le soleil, écrasant, immuable devient symbole d’un destin auquel on ne se soustrait pas. Franck, héros de ce roman noir à la Jim Thompson, s’enlise et le sait. Franck est incapable d’initiative, subissant, comme il l’a toujours fait, les événements provoqués par d’autres que lui, des plus grands, des plus fourbes. La catastrophe est annoncée, la fin tragique, l’intrigue soutenue par une langue puissante de sobriété. Restent dans la bouche un goût de cendre et des scènes que l’enfermement moite rend éprouvantes, qui ne sont pas sans rappeler Canicule de Jean Vautrin. Et surtout restent des images bouleversantes : celle de la rédemption d’un père autrefois malade d’alcool, ou d’une petite fille mal aimée.
Marianne Peyronnet