Il est de tradition de faire du super-héros un phénomène purement yankee dont l’origine remonterait au Superman de Jerry Siegel et Joe Shuster en 1938.

 

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Or, il n’en est rien : pour peu que l’on accepte une définition un peu large du vengeur hors-normes, le genre serait bien plus ancien et pourrait même bien avoir des racines principalement feuilletonnesques et françaises ! C’est en tout cas la thèse défendue par l’auteur de ce documentaire très complet qui, partant du Comte de Monte-Cristo, n’oublie pas un représentant du muscle national, du classique Rocambole au tout récent Garde Républicain, personnage de porte-drapeau un rien hallucinant mais pas tellement plus, si l’on y réfléchit, qu’un Captain America. Certes, la plupart de ces héros sont bien oubliés : qui se souvient du Nyctalope de Jean de La Hire ? De Fantax, du tandem Navarro et Mouchot, qui eut un fan-club de 10 000 membres ? Du splendide Atomas dessiné par René Pellos ? Ou bien, plus près de nous, de Super Boy, dont les aventures s’étalèrent pourtant sur plus de trente ans ? Loin de n’être qu’une copie servile de ses cousins d’Amérique, le super-héros français n’aurait donc pas grand-chose à leur envier, sinon d’avoir pu s’épanouir dans un milieu favorable ? Car jamais nos surhommes n’affrontèrent super-vilain plus acharné à leur perte que la sinistre Commission de surveillance des publications destinées à la jeunesse, adossée à la fameuse loi de censure de 1949, d’ailleurs jamais abrogée… D’injonctions en procès, les éditeurs de « petits formats » (qui furent en somme l’équivalent français du comic book américain) n’eurent de cesse d’échapper aux rayons de la mort des défenseurs de la Sainte Famille, sans qu’il leur soit réellement possible de faire exister un univers complet, à la façon dont, aux USA, la petite maison Marvel finit par tirer son épingle du jeu et devenir l’empire que l’on sait. Hors quelques parodies célèbres comme Superdupont, l’histoire des super-héros français ne put donc jamais être autre chose qu’une longue suite de renaissances, portées par d’inlassables enthousiastes, dont l’acharnement à faire vivre un genre si généralement décrié par les pédagogues de tout poil confine lui-même au super-pouvoir et mériterait qu’on lui dédie la création d’un héros spécifique et 100% français, à l’enseigne de l’increvable Phénix.

Yann Fastier