Quand ils n’y séquestrent pas Natasha Kampusch, que font les Autrichiens dans leur sous-sol ?

 

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Ils y installent un stand de tir ou bien y chantent de l’opéra ; y exhibent de sinistres trophées de chasse par dizaines ; s’imbibent consciencieusement sous un portrait de Hitler après avoir joué de l’hélicon ; s’y livrent à des pratiques sado-masochistes, pour la plupart d’entre eux. Les Autrichiens sont décidément de drôles de gens : c’est ce que l’on n’oserait tout à fait déduire de ce stupéfiant documentaire si l’écrivain Thomas Bernhardt  ne nous avait déjà prévenus, qui ne cessa de vitupérer ses concitoyens en termes aussi vifs que coups de cravache sur les fesses molles d’un gros quinquagénaire qui aime ça. L’Autriche, apparemment, aime ça, et l’étude de ses sous-sols constitue une assez bonne métaphore de l’inconscient d’un pays qui inventa la psychanalyse et l’Anschluss. Filmés de manière frontale et sans autre commentaire que leur propre monologue, ces zigotos n’ont visiblement rien à cacher et font étalage de leurs petites manies avec un naturel confondant, qui n’est pas sans évoquer les beaux jours de Strip-tease, en moins belge et plus nazi. A cet égard, le plus terrifiant n’est peut-être pas le catalogue de leurs turpitudes, où le ridicule l’emporte le plus souvent sur l’abjection, mais le soin maniaque que mettent tous ces bons bourgeois à bichonner leur cave avec javel et balai-brosse, selon toutes les apparences de la normalité la plus terne. Ces gens-là sont banals, c’est sans doute le plus étrange et ce qui laisse après coup cette question taraudante en suspens : qu’est-ce que je pourrais bien faire de mon propre sous-sol ?

Yann Fastier