C’est l’histoire d’une femme qui voulait devenir un caillou.
Louable initiative, mais il ne suffit pas de vouloir, il faut encore pouvoir et il se trouve que la femme en question, justement, peut peu. Serveuse occasionnelle, confinée le reste du temps dans ses 25 m², le nez contre la vitre à convoquer des tempêtes, elle ne retrouve un peu de curiosité qu’auprès de son voisin, sculpteur amateur et retraité de l’Imprimerie nationale, en charge de l’Ω, et dont la mort inopinée la mènera en Corse, de chambre d’hôtes en bar d’habitués, jusqu’à la falaise où, quarante ans plus tard, s’accomplira enfin son devenir-pierre. La neurasthénie en littérature n’étant supportable qu’allongée d’une bonne dose d’autodérision, on saura gré à Sigolène Vinson de n’avoir pas eu peur de noyer le pastaga dans le pince-sans-rire. Une écriture toute en phrases courtes, façon ping-pong, mais ping-pong d’amateur, celui qu’on aime, au fond, sans smash et pas trop loin de la table, pour le plaisir de faire poc et surtout pas pour gagner. Le problème étant de savoir s’arrêter sans s’enfoncer dans cette espèce de loufoquerie forcée qui, depuis quelques années, fait semble-t-il l’ordinaire d’une certaine littérature : personnages pittoresques en diable, répliques qui font mouche à tout coup, rocambolesque obligatoire… Avouons-le, ce gadin finirait par lasser s’il en restait là, si le dernier chapitre, au prix d’une complète rupture de style et de façon déchirante, ne ramenait tout cela à une banalité qui n’en est ni moins belle ni, surtout, moins touchante.
Yann Fastier