Le mouvement punk de la fin des 70’s avait laissé croire aux femmes qu’elles avaient leur place dans le milieu rock.

 

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A la fin des 80’s, le retour de bâton fait mal. Une décennie a suffi pour gentiment les écarter du devant de la scène, et de la fosse. Il faut se rendre à l’évidence, le rock est redevenu le royaume du mâle. Dix ans de MTV, de consumérisme (autant dire de passivité), de reaganisme. Dix ans qu’on fait comprendre aux filles qu’elles sont belles quand elles se taisent.

Dans cette moitié d’humanité à qui on refuse le droit de s’amuser comme leurs petits copains, il y en a que ça énerve beaucoup. La colère est bonne conseillère. Il est temps d’inventer un rock féministe, anti-capitaliste, un rock qui s’empare de sujets peu exploités jusque là (l’inceste, le viol, les violences domestiques…), un punk rock pluriel et novateur, sans icône, sans tête de gondole. Le but sera de faire. DIY à tous les étages.

1991. Dans différents coins des USA, sans concertation préalable, telle une génération spontanée, des femmes vont se servir des méthodes testées par leurs aîné(e)s pour exister dans ce monde de brutes. A Olympia, dans l’Etat du Washington, et à Washington, DC, notamment, on assiste à la naissance d’une sous-culture aux références musicales communes, un rock tapageur qui laisse exprimer toute leur rage contenue. Kathleen Hanna, Kathi Wilcox et Tobi Vail fondent Bikini Kill. Allison Wolfe, Molly Neuman lancent Bratmobile, tandis que Tracey Sawyer et Corin Tucker créent Heavens to Betsy.

C’est une révolte ? Non, Sires. C’est une révolution ! Echange d’informations par le biais de fanzines (Girls Germs, Jigsaw, Chainsaw…), organisations de conférences, de concerts… Le but : inciter, inspirer. Et ça marche. Les riot grrrls essaiment, font des petites. Mouvant, tentaculaire, le mouvement tire sa force d’une multitude de cellules, décidées à promouvoir une culture destinée à rester underground, où l’on prône la solidarité entre femmes, le respect de l’individu, le refus de se vendre.

Manon Labry connaît son sujet (pour y avoir consacré une thèse Le cas de la sous-culture punk féministe américaine. Vers une redéfinition de la relation dialectique «mainstream»-«underground» ?) et ne s’embarrasse pas ici de jargon universitaire pour dire tout le bien qu’elle en pense. Le ton est caustique, l’écriture vive et bien énervée dans cet essai subjectif, très drôle, rédigé à la première personne. En France, les riot grrrls demeuraient un mouvement mal connu qui méritait qu’on s’y intéresse. Manon Labry prend parti pour la cause, resitue les obstacles, les questionnements qu’elles ont dû affronter, qui les ont fait plier, sans rompre. Le Tigre ou Sleater-Kinney sont les descendantes directes de ce combat. Elles attendent que leurs petites sœurs se joignent à la fête.

Marianne Peyronnet