Casquette sur cheveux blonds, short en jean sur longues jambes, Salomé est la reine de la place Stalingrad.
Sur son skate, sous un soleil de plomb, elle slalome au milieu des bien lotis ou des crevards qui peuplent l’endroit. Elle aime tous les clodos, surtout son pote Mama, et déteste les bobos. Elle zone, Sal, entre les dealers, les tox et les rats. Elle est libre, son père flic ne s’occupe pas de ses affaires, sa mère hôtesse de l’air semble ne pas vouloir rentrer de son dernier voyage, sa sœur Rose est trop amoureuse pour se soucier d’elle. Elle est grande, indépendante, téméraire, pas farouche. Pas assez ?
Avec sa Salomé, qui n’avait que quatorze ans, ce qui était beaucoup, mais pas tant qu’elle croyait, Clément Milian dresse le portrait d’une ado désarmant de justesse. Elle en est à cet âge de contrastes où elle pense tout savoir quand ses certitudes sont celles d’une enfant refusant de voir l’effet qu’elle produit sur les hommes. Réfractaire, agressive, jurant comme un charretier, elle se dit mature mais a besoin de son doudou.
Attitude, langage, psychologie, le personnage sonne vrai. Agaçante et fragile comme l’était L’effrontée, toujours au bord des larmes ou des insultes. Pas facile de camper une héroïne porteuse de tant de paradoxes. Pas facile de livrer un récit tout en tension focalisé sur une gosse et une place. Milian y parvient, sans artifice. Son conte parisien violent, véritable roman noir, magnifié par une mise en page dynamique, rappelle douloureusement que pour une petite fille, seule, le danger est au coin de la rue, et que la chute peut être dure, même du haut d’un skate.
Marianne Peyronnet