A priori, c’était mal parti…

 

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Le dessin de Jacques Terpant, condensé sans fantaisie des conventions « réalistes » de la BD franco-belge (entre Juillard et Servais, pour faire court), n’a rien pour inciter à la lecture d’un écrivain déjà plus ou moins sulfureux (Jean Raspail n’étant pas surtout connu pour ses positions progressistes). Et pourtant, l’on se sera jeté sur chaque nouveau tome de cette trilogie avec bien plus d’allant que sur bien d’autres productions actuelles, pourtant réputées « branchée ». C’est que Raspail, qu’on le veuille ou non, a du souffle et ce goût de l’épique devenu si rare dans notre pauvre littérature blanche : ses romans sentent la neige, la poudre et le vent comme d’autres sentent des pieds. S'il n'a pas, loin s'en faut, l'élégance d'un Nimier ou la funambulesque ironie d'un Jacques Perret, son style sait toujours prendre son élan pour sauter à pieds joints dans les torrents de l'épopée. Les siècles ne lui font pas peur, il ne lui en faut pas moins de trois ou quatre pour déployer la saga des Pikendorff, qui occupe de manière durable le centre de son œuvre. Les Royaumes de Borée en sont l'une des branches, après Sept cavaliers..., qui voient les membres de cette famille d'officiers se repasser de génération en génération le secret d'un "petit homme couleur d'écorce" aperçu dans les confins inexplorés d'une Finlande imaginaire. Ainsi, du XVIIe au XXe siècle, à travers les soubresauts d'une Histoire de moins en moins fictive, assiste-t-on par la voix sereine de l'ultime descendant d'une race vouée à disparaître, à la mort lente de l'idée même d'un Ailleurs possible, de ces "Pays où l'on n'arrive jamais" que la littérature seule accueille désormais dans ses atlas.

Yann Fastier