Ah ! Le foot…
Que ceux qui croient qu’il s’agit d’un sport où 11 joueurs en shorts frappés de logos à l’effigie d’une boisson énergisante affrontent 11 autres joueurs en maillots chamarrés avec brodés dessus une marque de chaussures de jogging aillent se rhabiller. Que la honte soit sur ceux qui ne voient dans le foot qu’un jeu où 22 jeunes hommes plus ou moins bien peignés courent dans un sens puis dans l’autre, sur une prairie tondue dans un sens puis dans l’autre pour faire joli, à la poursuite d’un ballon qu’ils n’ont le droit de tâter qu’avec les pieds ! Non, le foot, c’est du Shakespeare ! C’est du concentré de sociologie ! Les drames qui naissent dans les vestiaires, les complots qui s’ourdissent sur les terrains sont dignes des plus grandes intrigues politico-historiques. Michaël Mention ne s’y est pas trompé, à l’instar des maîtres anglais tel John King et son Football Factory, David Peace avec The damned United et plus récemment Rouge ou mort, ou encore B.S. Johnson avec Les malchanceux. Mais là où les écrivains britanniques plantent leur décor dans ou aux abords des tribunes, Mention réussit l’exploit de concentrer l’action de son roman sur la pelouse, au cours d’un seul match, la demi-finale de la coupe du monde qui a opposé la France à la RFA, à Séville, le 8 juillet 1982. Match fameux s’il en est, au cours duquel Schumacher, de triste mémoire, confondit le ballon avec la tête de Battiston et que la France perdit après prolongation et tirs au but. Ce n’est pas le score qui se joue dans cette tragédie dont l’issue est connue, c’est tout le reste. Dans la tête d’un joueur, le lecteur vit, au rythme des (non)sifflets de l’arbitre, la beauté du sport, la France métissée de Mitterrand, les crampes, le basculement après l’agression du gardien allemand, la haine du boche, la parano, la recherche d’un traître dans l’équipe, le racisme anti-noirs, la montée de FN, le fric tout puissant des années 80, la déshydratation, les espoirs déçus, la souffrance, la chute…Pour une fois, ça valait vraiment le coup de refaire le match.
Marianne Peyronnet