Violée par deux policiers en patrouille, Mariam, une jeune Tunisienne, veut porter plainte.

 

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Commence alors pour elle une nuit de cauchemar, au cours de laquelle elle se trouve acculée à se rendre au commissariat dont dépendent précisément les deux flics.

Construit en seulement neuf plans-séquences étouffants, comme autant de stations du chemin de croix de la jeune femme et tourné avec des acteurs de théâtre habitués aux scènes longues, ce nouveau film  de Kaouther ben Hania, après le très ambigu Challat de Tunis, est inspiré d’un fait divers réel qui a défrayé la chronique en Tunisie. Ce pourrait être un simple thriller : c’est un cri d’indignation. Car Mariam n’est pas seulement confrontée à ses agresseurs mais à la complicité de tout un système à la fois corseté, patriarcal et hypocrite dont la jeune réalisatrice  instruit ici le procès à charge. Et les charges sont accablantes : incurie et corruption généralisées, police omniprésente et toute puissante, morale d’un autre âge qui fait de toute femme une « salope » en puissance pour peu qu’elle refuse de se taire et de laisser faire. Mariam n’a pourtant rien d’une héroïne. Terrorisée, traumatisée, de plus en plus seule au fur et à mesure que la nuit avance, il lui faudra vraiment toucher le fond de la détresse pour trouver enfin suffisamment de ressources en elle pour faire face à ses agresseurs, qui n’auront reculé devant rien pour lui faire retirer sa plainte.

La dignité, la fermeté désespérée dont elle fait alors preuve emporte tout sur son passage et vaudra à ses violeurs d’être arrêtés et condamnés à 15 ans de prison ferme, fait sans précédent dans un pays où la police de Ben Ali est très largement restée en place après la révolution. Quand on pense que la Tunisie est l’un des rares exemples de démocratisation « réussie » suite aux Printemps arabes, on ne peut s’empêcher de frémir, tout en se tâtant les roubignoles avec un discret soupir de soulagement.

Yann Fastier