Sale temps pour Bobby West.
Pour l’instant, ça passe. Les apparences restent sauves. Son costard de consultant en investissement immobilier, déguisement sous lequel il opère dans le cadre d’une surveillance politique des (ex)ressortissants cubains implantés en Floride pour le compte de la CIA, garde fière allure. Mais les coutures commencent à craquer. West, depuis des années, profite de sa double casquette pour s’en mettre plein les fouilles. Cette fois, il a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre, en acceptant une opération de blanchiment d’argent pour Alexander French, gangster notoire aux méthodes expéditives. Trois millions de dollars tout de même, qu’il garde au chaud dans son coffre. C’était sans compter sur sa fille Holly, 17 ans, vénére envers un père absent qui vient de divorcer de sa mère, qu’elle sait plein de pognon, et qui décide de faire une fugue en lui piquant son fric. Le détective sur le retour embauché pour retrouver Holly patauge. La scoumoune.
Bobby West serait-il le parangon de l’Amérique ? En en faisant un héros qu’aucun doute ne semble perturber, avide de blé facilement gagné et peu regardant sur les façons de l’acquérir, un homme triomphant ignorant de sa chute prochaine, on pourrait croire en effet que Sealy a suivi ce fil pour nous décrire, à travers lui, la grandeur et la décadence des US de la décennie 80. Les années Reagan avaient cela de pénible, quand on y repense, d’une Amérique maîtresse du monde préférant mettre son histoire récente sous le tapis, glorifiant le plus fort, à n’importe quel prix. Ici, la CIA joue un jeu dangereux en collusion avec la mafia quand ça l’arrange, avec ses amis politiques, réfugiés cubains ou autres, en lutte contre un communisme moribond quand elle en a besoin. On est à Miami. Bling bling et démesure explosent sous un soleil qui donne la fièvre. Le roman rend parfaitement l’ambiance de l’époque et délivre les enjeux sans lourdeurs. Simplement en suivant les errements d’un West qui commence à douter, gagnant en profondeur à mesure qu’il est stoppé dans son élan de winner, et qu’il devient la cible des méchants, dans cette Floride dénuée d’éthique, quel que soit leur camp.
Marianne Peyronnet